Bitcoin, arme géopolitique du XXIe siècle: la revanche de l’ingénieur sur le banquier par Guy Kapayo.

 

Introduction

Depuis mars 2025, le Bitcoin n’est plus un simple actif spéculatif : il est devenu un instrument de puissance étatique.
Avec la signature, le 6 mars 2025, de l’Executive Order intitulé « Establishment of the Strategic Bitcoin Reserve and United States Digital Asset Stockpile », les États-Unis ont officiellement fait entrer le Bitcoin dans le périmètre de leur sécurité nationale.

Ce geste marque une rupture historique. Pour la première fois, une grande puissance reconnaît que le Bitcoin ne relève plus uniquement de l’innovation financière, mais d’un enjeu stratégique global, au croisement de la monnaie, de l’énergie et de la technologie.

Pourtant, derrière cette décision spectaculaire se cache une asymétrie profonde de compréhension entre Washington et Pékin. Là où les États-Unis abordent le Bitcoin avec une vision de banquier, centrée sur le prix, les réserves et les marchés, la Chine l’a intégré depuis des années dans une vision d’ingénieur, fondée sur l’énergie, les infrastructures et la puissance de calcul.

Cette divergence de lecture structure aujourd’hui un duel silencieux mais décisif : qui contrôle réellement le réseau Bitcoin ?

Chapitre I — Le Bitcoin comme arme de Realpolitik énergétique

Pour comprendre la rivalité sino-américaine autour du Bitcoin, il faut abandonner l’approche monétaire classique et revenir à une réalité plus fondamentale : le Bitcoin est d’abord une technologie énergétique.

1. Bitcoin n’est pas une monnaie, c’est une machine thermodynamique

À son niveau le plus élémentaire, le réseau Bitcoin fonctionne selon une logique simple :

  • de l’électricité est consommée,

  • cette énergie alimente des calculs cryptographiques,

  • ces calculs sécurisent le réseau,

  • la sécurité du réseau crée la valeur.

Autrement dit, le Bitcoin est une machine qui transforme des Joules en confiance, puis la confiance en valeur monétaire.
Ce n’est pas un hasard si les centres de minage se déplacent systématiquement là où l’énergie est :

  • abondante,

  • bon marché,

  • excédentaire,

  • ou difficilement transportable.

Le cœur du Bitcoin n’est donc pas Wall Street, mais le réseau électrique.

2. Le problème structurel des réseaux électriques modernes

Tous les grands pays industrialisés font face au même dilemme énergétique :

  • l’électricité se stocke mal,

  • elle doit être consommée au moment précis où elle est produite,

  • les infrastructures sont construites pour les pics, pas pour les moyennes.

Résultat :

  • des barrages qui déversent de l’eau inutilement,

  • des éoliennes bridées faute de demande,

  • des centrales sous-utilisées,

  • des pertes colossales non valorisées.

Dans la logique classique, cette énergie excédentaire est considérée comme :

un coût,
une inefficacité,
voire un échec de planification.

Le Bitcoin introduit une rupture radicale : il transforme cette perte en actif.

3. Le minage comme « batterie virtuelle »

Le minage agit comme une batterie virtuelle mondiale :

  • il absorbe instantanément les surplus,

  • il peut s’arrêter en quelques secondes,

  • il n’exige ni transport ni stockage physique,

  • il convertit l’électricité locale en valeur globale.

Contrairement à une usine classique, une ferme de minage :

  • peut être déplacée,

  • modulée,

  • éteinte à la demande,

  • redémarrée sans coût industriel majeur.

Du point de vue énergétique, le minage est un outil de stabilisation du réseau, pas une aberration.


4. La Realpolitik de l’énergie

C’est ici que commence la Realpolitik.
Un État qui comprend cette logique réalise que le Bitcoin permet :

  • d’exporter de l’énergie sans câble,

  • de rentabiliser des infrastructures surdimensionnées,

  • de financer indirectement son réseau électrique,

  • de réduire le coût énergétique de toute son industrie.

Le minage devient alors :

  • un instrument industriel,

  • un outil de politique énergétique,

  • un levier de souveraineté.

À ce stade, la question n’est plus :

« Le Bitcoin est-il bon ou mauvais pour l’écologie ? »

Mais :

« Qui utilise le Bitcoin pour renforcer sa base productive réelle ? »

5. Le malentendu fondamental occidental

En Occident, et particulièrement aux États-Unis jusqu’à récemment, le minage a été perçu comme :

  • une activité spéculative,

  • énergivore,

  • non productive,

  • à réguler ou à taxer.

Cette lecture morale et financière a masqué sa fonction systémique réelle.
Pendant que le débat public portait sur le prix du Bitcoin, d’autres acteurs raisonnaient déjà en :

  • mégawatts,

  • rendement réseau,

  • réponse à la demande,

  • souveraineté matérielle.

Ce décalage de lecture explique pourquoi certaines décisions stratégiques américaines n’ont été prises qu’en 2025

Chapitre II — La stratégie chinoise : la vision de l’ingénieur

Là où de nombreux pays ont abordé le Bitcoin comme un phénomène financier à réguler, la Chine l’a analysé comme un problème d’ingénierie énergétique.
Cette différence de lecture explique pourquoi Pékin a intégré le minage dans sa stratégie industrielle bien avant que Washington n’en mesure les implications.

1. Le dilemme énergétique chinois : abondance mal localisée

La Chine a investi massivement, depuis deux décennies, dans des infrastructures énergétiques colossales :

  • barrages hydroélectriques géants (notamment dans le Sichuan et le Yunnan),

  • parcs éoliens et solaires dans les régions de l’Ouest,

  • centrales construites à l’échelle continentale.

Le paradoxe est géographique :
les zones de production énergétique se situent à des milliers de kilomètres des centres de consommation industrielle et urbaine (Shanghai, Shenzhen, Guangzhou).

Transporter cette électricité implique :

  • des lignes à ultra-haute tension coûteuses,

  • des pertes techniques incompressibles,

  • une rigidité structurelle du réseau.

Résultat : une partie significative de l’énergie produite ne peut pas être valorisée efficacement.

2. Le Bitcoin comme solution d’ingénierie, pas comme monnaie

Face à ce problème, la Chine n’a pas posé la question :

« Le Bitcoin est-il une bonne monnaie ? »

Mais :

« Peut-il résoudre un problème physique réel ? »

Le minage apporte une réponse élégante :

  • il se déploie exactement là où l’énergie est excédentaire,

  • il fonctionne en continu,

  • il n’exige aucune proximité avec les centres urbains,

  • il transforme un surplus invendable en actif mondial liquide.

Dans cette logique, le Bitcoin devient une technologie d’exportation énergétique indirecte.

3. Le minage comme subvention industrielle invisible

Le génie stratégique chinois réside dans un effet souvent ignoré :
le minage finance le réseau énergétique lui-même.

Concrètement :

  • les revenus du minage couvrent une partie des coûts de maintenance,

  • ils amortissent des infrastructures surdimensionnées,

  • ils stabilisent les flux financiers des producteurs d’électricité,

  • ils abaissent mécaniquement le coût moyen de l’énergie pour le reste de l’économie.

Ce mécanisme agit comme une subvention industrielle cachée :

  • l’acier,

  • la chimie,

  • l’électronique,

  • les data centers,
    bénéficient indirectement d’une énergie moins chère.

Le Bitcoin n’est pas la finalité, il est l’outil.

4. L’« interdiction » de 2021 : une illusion occidentale

En 2021, Pékin annonce officiellement une interdiction du minage.
En Occident, cette décision est interprétée comme :

  • une capitulation,

  • un renoncement idéologique,

  • une victoire réglementaire occidentale.

Cette lecture est erronée.

La réalité est beaucoup plus subtile :
la Chine n’a pas supprimé le minage, elle l’a restructuré.

Objectif réel :

  • éliminer les acteurs privés incontrôlables,

  • réduire la volatilité régionale du réseau,

  • reprendre le contrôle opérationnel,

  • intégrer le minage dans la logique de « réponse à la demande ».

Seules des entités capables :

  • d’éteindre instantanément les machines,

  • de répondre aux besoins du réseau national,

  • d’opérer sous supervision étatique,
    ont été tolérées.

Le minage est passé d’une activité anarchique à une fonction réseau pilotée.

5. Le contrôle du matériel : la clé silencieuse du pouvoir

Au-delà de l’énergie, la Chine a sécurisé un avantage décisif :
la maîtrise de la fabrication des machines de minage.

Aujourd’hui :

  • l’écrasante majorité des ASIC est produite par des entreprises chinoises,

  • la chaîne d’approvisionnement est concentrée,

  • le savoir-faire industriel est difficilement réplicable à court terme.

Cela signifie une chose fondamentale :

même lorsque d’autres pays minent, ils le font avec du matériel chinois.

La puissance de calcul mondiale dépend donc, en amont, de décisions industrielles prises à Pékin.

6. Une vision d’ingénieur systémique

La cohérence chinoise apparaît clairement :

  • énergie excédentaire → minage,

  • minage → financement du réseau,

  • réseau stabilisé → énergie bon marché,

  • énergie bon marché → compétitivité industrielle,

  • industrie forte → puissance géopolitique.

Dans cette chaîne, le Bitcoin n’est qu’un maillon fonctionnel, intégré sans fétichisme idéologique.

Chapitre III — Pourquoi les États-Unis n’ont pas anticipé ce coup stratégique

Si la Chine a abordé le Bitcoin comme un problème d’ingénierie énergétique, les États‑Unis l’ont longtemps perçu comme un objet financier marginal.


Ce décalage de lecture explique l’erreur stratégique majeure de Washington : avoir regardé le Bitcoin par le mauvais prisme.

1. Le prisme de Wall Street : une lecture exclusivement financière

Pendant plus d’une décennie, le Bitcoin a été analysé aux États-Unis presque exclusivement par :

  • les régulateurs financiers,

  • les banques centrales,

  • les marchés de capitaux,

  • les autorités de supervision.

Il a été classé comme :

  • actif spéculatif,

  • instrument de blanchiment potentiel (la drogue, la criminalité ),

  • bulle technologique, 

  • risque pour la stabilité financière.

Cette approche a enfermé le débat dans une logique de prix, volatilité et régulation, en ignorant totalement sa dimension physique et énergétique.

Or, le Bitcoin ne dépend pas seulement des marchés, il dépend avant tout :

  • des mégawatts disponibles,

  • du coût marginal de l’électricité,

  • de la capacité à stabiliser un réseau électrique.

2. L’angle mort énergétique américain

Contrairement à la Chine, les États-Unis disposent d’un réseau électrique :

  • fragmenté entre États,

  • fortement privatisé,

  • régulé de manière hétérogène,

  • orienté vers le marché plutôt que vers la planification.

Dans ce modèle :

  • l’électricité est une marchandise,

  • pas un levier stratégique centralisé,

  • encore moins un outil géopolitique intégré.

Ainsi, le minage a été perçu comme :

  • un consommateur parasite,

  • un problème environnemental (les écolos),

  • une distorsion de marché.

Personne, ou presque, n’a posé la question fondamentale :

« Le minage peut-il renforcer la résilience du réseau ? »

3. La mauvaise interprétation de 2021 : une victoire illusoire

Lorsque la Chine annonce en 2021 l’interdiction du minage, la réaction américaine est triomphante :

  • baisse temporaire du hashrate chinois,

  • relocalisation vers le Texas et d’autres États,

  • narration médiatique d’un « échec chinois ».

Mais cette lecture repose sur une confusion entre retrait apparent et repositionnement stratégique.

Washington a confondu :

  • un nettoyage industriel contrôlé,

  • avec une abdication stratégique.

En réalité, la Chine a :

  • éliminé les acteurs privés incontrôlables,

  • conservé le savoir-faire,

  • maintenu la maîtrise de la chaîne matérielle,

  • préparé une réintégration du minage sous supervision étatique.

Les États-Unis ont cru gagner une bataille visible, pendant que Pékin gagnait la guerre structurelle.

4. La croyance erronée dans la neutralité du matériel

Un autre angle mort critique concerne le matériel.

Les décideurs américains ont supposé que :

  • le matériel de minage était une commodité,

  • facilement substituable,

  • interchangeable,

  • neutre géopolitiquement.

Or, dans les faits :

  • plus de 90 % des ASIC sont produits par des entreprises chinoises,

  • la chaîne d’approvisionnement est concentrée,

  • les délais et dépendances sont structurels.

Cela signifie que même une stratégie américaine de minage massif reste techniquement dépendante d’une puissance rivale.

5. Le choc de 2025 : du marché à la sécurité nationale

Ce n’est qu’à partir de 2024-2025 que l’administration américaine commence à changer de lecture :

  • inquiétudes sur la souveraineté technologique,

  • enquêtes sur des fermes de minage proches d’infrastructures sensibles,

  • prise de conscience du lien entre minage et stabilité réseau.

Le Bitcoin cesse alors d’être perçu comme :

  • un simple actif financier,
    pour devenir :

  • un enjeu de sécurité nationale.

La signature, le 6 mars 2025, de l’Executive Order
« Establishment of the Strategic Bitcoin Reserve and United States Digital Asset Stockpile »
marque cette rupture doctrinale.

Mais ce réveil arrive après que la structure industrielle mondiale du Bitcoin a été façonnée.

6. Deux temporalités stratégiques opposées

Le contraste est net :

  • la Chine a pensé le Bitcoin en amont, au niveau de l’infrastructure,

  • les États-Unis l’ont pensé en aval, au niveau du marché.

La Chine a travaillé sur :

  • l’énergie,

  • le matériel,

  • la planification.

Les États-Unis ont travaillé sur :

  • le prix,

  • la liquidité,

  • la régulation.

Ce décalage temporel explique pourquoi Washington réagit aujourd’hui dans l’urgence, là où Pékin agit dans la continuité.

Chapitre IV — Le réveil brutal de 2025 : souveraineté, sécurité et vulnérabilités cachées

L’année 2025 marque un basculement doctrinal à Washington.
Le Bitcoin cesse d’être un objet de débat idéologique ou financier pour devenir un problème de souveraineté concrète

Ce réveil n’est pas théorique : il est provoqué par une accumulation de signaux faibles devenus impossibles à ignorer.

1. La dépendance matérielle : une réserve stratégique sans souveraineté industrielle

La décision américaine de constituer une réserve stratégique de Bitcoin révèle immédiatement une contradiction fondamentale :
les États-Unis ne contrôlent pas les outils physiques de cette stratégie.

Aujourd’hui, l’écrasante majorité des machines de minage (ASIC) provient d’un nombre très restreint d’acteurs industriels asiatiques, au premier rang desquels Bitmain.
Cette concentration implique plusieurs vulnérabilités :

  • dépendance aux importations,

  • exposition aux restrictions commerciales,

  • asymétrie technologique persistante,

  • impossibilité de montée en charge rapide sans accord extérieur.

Autrement dit, la réserve stratégique américaine repose sur une chaîne matérielle qu’elle ne maîtrise pas.

2. Le minage devient un sujet de sécurité nationale

À partir de 2024, les agences fédérales américaines commencent à requalifier le minage sous un angle inédit :
celui des infrastructures critiques.

Des enquêtes menées par le FBI mettent en lumière des fermes de minage implantées à proximité de sites sensibles, notamment dans des États à forte production énergétique comme le Wyoming.

Le problème n’est pas le Bitcoin en tant que tel, mais la nature même du minage :

  • forte consommation instantanée,

  • capacité à créer ou supprimer une charge électrique massive,

  • possibilité de générer artificiellement des pics de demande,

  • interaction directe avec la stabilité du réseau local.

Ce qui était perçu hier comme une activité économique devient un vecteur potentiel de perturbation systémique.

3. Le réseau électrique comme nouveau champ de bataille

Les autorités américaines prennent alors conscience d’un point clé :
dans un pays où le réseau électrique est fragmenté, privatisé et décentralisé, le minage peut devenir un outil de stress stratégique.

Contrairement à la Chine, où le réseau est piloté de manière centralisée, le modèle américain repose sur :

  • des opérateurs multiples,

  • des incitations de marché,

  • des arbitrages locaux,

  • une coordination fédérale limitée.

Dans ce contexte, une ferme de minage mal intégrée peut :

  • amplifier des tensions locales,

  • déséquilibrer des marchés régionaux de l’électricité,

  • contraindre les autorités à intervenir dans l’urgence.

Le Bitcoin révèle ainsi une fragilité structurelle longtemps masquée :
l’absence de pilotage énergétique unifié.

4. Du fantasme de domination financière à la réalité physique

La stratégie initiale américaine reposait sur une hypothèse implicite :

dominer le prix du Bitcoin équivaut à dominer le système.

Or, l’expérience de 2025 démontre que :

  • le prix est un indicateur secondaire,

  • la puissance de calcul est la variable clé,

  • l’accès à l’énergie et au matériel conditionne tout le reste.

La réserve stratégique ne donne aucun contrôle direct sur :

  • le hashrate mondial,

  • la fabrication des machines,

  • l’architecture énergétique sous-jacente.

Les États-Unis découvrent que le Bitcoin n’est pas une abstraction financière, mais une infrastructure matérielle déguisée en actif numérique.

5. Une réaction tardive mais lucide

Le changement de posture américain est réel :

  • requalification du minage dans les analyses de sécurité,

  • intégration du Bitcoin dans la réflexion stratégique,

  • début de réflexion sur la souveraineté industrielle.

Mais cette réaction intervient après que :

  • les chaînes de valeur ont été consolidées,

  • les standards industriels ont été fixés,

  • les avantages structurels ont été captés ailleurs.

Washington agit désormais dans un cadre qu’il n’a pas défini.

Chapitre V — Deux visions irréconciliables du Bitcoin : l’ingénieur contre le banquier

À ce stade de l’analyse, le constat est clair : la rivalité autour du Bitcoin n’oppose pas seulement deux puissances, mais deux manières radicalement différentes de penser le pouvoir.

D’un côté, la Chine aborde le Bitcoin comme un système physique.
De l’autre, les États-Unis continuent majoritairement de l’appréhender comme un instrument financier.

Cette divergence n’est pas tactique. Elle est philosophique.

1. La vision chinoise : le Bitcoin comme infrastructure

Dans la logique chinoise, le Bitcoin n’a aucune valeur intrinsèque en tant que monnaie.
Sa valeur réside dans ce qu’il permet de faire au monde réel.

Le raisonnement est linéaire :

  • l’énergie est la base de toute puissance industrielle (c’est le cas pour l’IA aussi),

  • l’énergie excédentaire est une faiblesse si elle n’est pas valorisée,

  • le minage transforme cette faiblesse en actif stratégique,

  • l’actif renforce le réseau énergétique,

  • le réseau énergétique soutient l’industrie nationale.

Dans cette vision :

  • le Bitcoin est un outil thermodynamique,

  • le minage est un levier d’optimisation système,

  • la puissance de calcul est une extension du réseau électrique.

La monnaie n’est qu’un sous-produit.

2. La vision américaine : le Bitcoin comme actif de marché

Aux États-Unis, le Bitcoin est d’abord pensé comme :

  • une réserve alternative,

  • un instrument de diversification,

  • un actif stratégique comparable à l’or,

  • un levier de domination financière.

La logique est inverse :

  • on accumule l’actif,

  • on influence le prix,

  • on structure les marchés,

  • on encadre juridiquement,

  • on attire les capitaux.

Dans cette approche :

  • la valeur précède l’infrastructure,

  • le symbole précède la matière,

  • le marché précède le système physique.

Le minage, quand il est considéré, reste un mal nécessaire, rarement un outil central de stratégie.

3. Tableau de synthèse : deux mondes, deux logiques

Dimension

Vision chinoise (Ingénieur)

Vision américaine (Banquier)

Nature du Bitcoin

Infrastructure énergétique

Actif financier

Variable clé

Énergie & hashrate

Prix & liquidité

Rôle du minage

Stabilisation du réseau

Externalité à gérer

Matériel

Monopole industriel

Dépendance aux importations

Gouvernance

Pilotage étatique

Fragmentation de marché

Finalité

Puissance productive

Domination financière

Ce tableau révèle une asymétrie décisive :
l’un raisonne en amont, l’autre en aval.

4. Matière contre symbole : une constante historique

L’histoire économique montre une régularité implacable :
les puissances qui dominent durablement sont celles qui contrôlent :

  • l’énergie,

  • les infrastructures,

  • les technologies de base,
    avant de contrôler la monnaie.

Les symboles monétaires suivent toujours la base matérielle.
Ils ne la précèdent jamais longtemps.

Dans cette perspective, la stratégie chinoise ne cherche pas à dominer le narratif du Bitcoin, mais à en maîtriser les conditions physiques d’existence.

5. Le paradoxe américain

Le paradoxe des États-Unis est profond :

  • ils dominent les marchés financiers,

  • ils influencent la narration globale,

  • ils disposent d’une capacité d’innovation immense,

mais ils ont longtemps sous-estimé une évidence simple :

un réseau numérique adossé à l’énergie est, avant tout, un objet industriel.

La réserve stratégique de Bitcoin corrige partiellement cette erreur, mais elle ne modifie pas encore la structure amont du système.

Conclusion. Le verdict : la matière décide toujours du symbole

À l’issue de cette analyse, une évidence stratégique s’impose :
la rivalité sino-américaine autour du Bitcoin ne se joue ni sur les marchés, ni sur la communication, ni même sur le prix de l’actif.

Elle se joue en amont, là où se croisent l’énergie, le matériel et l’infrastructure.

La Chine a compris très tôt que le Bitcoin n’était pas une monnaie au sens classique, mais une machine de conversion énergétique.

 En l’intégrant comme outil d’optimisation de son réseau électrique, Pékin a transformé :

  • des surplus énergétiques en actifs liquides,

  • des pertes structurelles en avantage industriel,

  • un phénomène numérique en levier de puissance réelle.

Cette approche a permis à la Chine de renforcer sa base productive sans dépendre du narratif monétaire du Bitcoin. Elle contrôle aujourd’hui les conditions physiques de l’existence du réseau : l’énergie, le matériel, la capacité industrielle.

Les États-Unis, à l’inverse, ont longtemps abordé le Bitcoin comme un objet de marché. Leur stratégie s’est concentrée sur :

  • l’accumulation de l’actif,

  • la structuration financière,

  • la régulation,

  • l’influence sur le prix.

La signature, le 6 mars 2025, de l’Executive Order « Establishment of the Strategic Bitcoin Reserve and United States Digital Asset Stockpile » marque un réveil réel, mais tardif. Elle acte une prise de conscience, non une maîtrise structurelle. Une réserve stratégique ne confère aucun contrôle sur :

  • la puissance de calcul mondiale,

  • la chaîne de fabrication des machines,

  • l’architecture énergétique sous-jacente.

Verdict analytique

À court terme, les États-Unis peuvent encore influencer la valeur financière du Bitcoin.
À long terme, la Chine influence déjà les conditions matérielles de sa production et de sa sécurité.

Or, dans toute l’histoire économique :

ceux qui contrôlent l’énergie et l’infrastructure finissent toujours par dicter les règles monétaires.

Le Bitcoin ne fait pas exception à cette règle.
Il la confirme.

La leçon stratégique

Le véritable enjeu n’est donc pas de savoir :

qui détient le plus de bitcoins,

mais :

qui maîtrise la transformation de l’énergie en puissance de calcul.

Le Bitcoin révèle une vérité plus large : la finance ne peut durablement dominer que lorsqu’elle repose sur une base industrielle solide. Sans cette base, elle reste un symbole vulnérable.

Phrase de clôture (signature éditoriale)

La Chine a utilisé le Bitcoin pour fortifier son infrastructure physique.
Les États-Unis tentent aujourd’hui de l’utiliser pour consolider leur infrastructure financière.
Dans cette lutte, la matière précède toujours le symbole.


Guy Kapayo Alimasi, Écriture et conception, ce mardi 30 décembre.2025 dans la ville de Mainz en Allemagne. 

Bonnée année 2026.













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