Mao, Deng et l’Afrique : quand la qualité des élites fait la prospérité des nations
Mao, Deng et l’Afrique : quand la qualité des élites fait la prospérité des nations
Introduction
Pourquoi certaines nations connaissent-elles la prospérité, tandis que d’autres restent prisonnières de la pauvreté ? L’histoire récente de la Chine nous offre une réponse limpide : la prospérité d’une nation n’est pas tant le fruit de ses ressources ou de sa population que de la qualité de ses élites dirigeantes. La même population chinoise, qui sous Mao Zedong a connu famine et isolement, a vu son destin radicalement transformé sous Deng Xiaoping, jusqu’à faire de la Chine la deuxième puissance économique mondiale.
Face à cette réalité, une question s’impose : l’échec économique de l’Afrique est-il, lui aussi, le résultat de la faiblesse et de l’incompétence de ses élites politiques ? Et, si oui, les dirigeants africains ne devraient-ils pas s’inspirer du pragmatisme chinois pour bâtir leur propre modèle de développement, adapté à leurs réalités nationales ?
Chapitre 1 – Mao et l’échec du Grand Bond en Avant
En 1958, Mao Zedong lance le Grand Bond en avant, un plan visant à transformer la Chine rurale en une puissance industrielle en un temps record. L’idéologie domine la stratégie : collectivisation forcée des campagnes, création de hauts-fourneaux improvisés dans les villages, priorité à la quantité plutôt qu’à la qualité.
Le résultat est catastrophique. La production agricole s’effondre, les industries improvisées produisent de l’acier inutilisable, et le pays sombre dans la famine. Entre 1959 et 1962, on estime à près de 30 millions le nombre de morts. L’économie chinoise, au lieu de progresser, recule. La Chine devient un « village planétaire » isolé, incapable de nourrir son peuple, encore moins de rivaliser avec l’Occident.
Cet épisode illustre un point fondamental : la détermination et le travail du peuple ne suffisent pas si l’élite au pouvoir adopte des stratégies idéologiques déconnectées de la réalité économique.
Chapitre 2 – Deng Xiaoping et la voie du pragmatisme
Après la mort de Mao, Deng Xiaoping prend le pouvoir en 1978. Contrairement à son prédécesseur, il privilégie le pragmatisme à l’idéologie. Sa maxime est restée célèbre : « Peu importe que le chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il attrape les souris ».
Deng lance alors une série de réformes audacieuses :
Décollectivisation de l’agriculture, permettant aux familles paysannes de retrouver un intérêt à produire davantage.
Création de zones économiques spéciales (comme Shenzhen), ouvertes aux capitaux étrangers, aux technologies occidentales et japonaises.
Encouragement de l’initiative privée et de l’innovation, tout en maintenant le contrôle politique du Parti communiste.
Ces réformes marquent le début de la transformation chinoise. La même population qui avait peiné sous Mao devient le moteur d’une croissance fulgurante, cette fois portée par une élite qui choisit d’ouvrir l’économie au monde et de s’appuyer sur les mécanismes du marché.
Chapitre 3 – La prospérité actuelle de la Chine
Quarante ans plus tard, les résultats sont spectaculaires. La Chine est passée du statut de pays pauvre et rural à celui de seconde puissance économique mondiale. Des centaines de millions de personnes sont sorties de la pauvreté. Le pays est devenu l’« usine du monde », mais aussi un acteur majeur dans les domaines de la technologie, des infrastructures et de la finance.
Cette transformation prouve qu’avec une élite compétente, pragmatique et visionnaire, un pays peut changer son destin en une ou deux générations. Là où Mao avait isolé et appauvri son peuple, Deng a ouvert la voie à une modernisation sans précédent.
Chapitre 4 – L’échec des élites africaines
L’Afrique, à l’inverse, illustre ce qui se produit quand les élites politiques échouent à assumer leur rôle de bâtisseurs. Le continent est riche en ressources naturelles – pétrole, cobalt, cuivre, or, terres agricoles – mais reste pauvre en prospérité.
Les causes de cet échec sont connues :
Corruption endémique et détournement des richesses publiques.
Clientélisme et absence de vision stratégique.
Dépendance aux matières premières exportées brutes, sans valeur ajoutée locale.
Instabilité institutionnelle et conflits internes.
Un exemple frappant : dans les années 1960, le Ghana avait un PIB par habitant comparable à celui de la Corée du Sud. Aujourd’hui, la Corée du Sud est une puissance industrielle et technologique, tandis que le Ghana reste dépendant du cacao et des matières premières. La différence ? La qualité des élites.
Chapitre 5 – Comment les élites africaines peuvent s’inspirer de la Chine
Le modèle chinois ne peut pas être copié mécaniquement, car chaque nation africaine a ses propres réalités. Mais certaines leçons sont universelles :
Vision à long terme : penser au développement sur plusieurs décennies, pas seulement à la prochaine élection.
Investir dans l’éducation et la recherche : former des ingénieurs, des scientifiques, des entrepreneurs.
Industrialiser localement : transformer les matières premières sur place au lieu de les exporter brutes.
Créer des zones économiques spéciales adaptées à chaque pays pour attirer capitaux et technologies.
Stabilité politique : garantir des institutions solides qui survivent aux changements de dirigeants.
Exemples d’adaptations nationales :
RDC : valoriser le cobalt et le cuivre en développant une industrie des batteries.
Nigéria : diversifier l’économie hors pétrole et investir dans l’énergie et les infrastructures.
Éthiopie : moderniser l’agriculture et renforcer l’industrie textile.
Kenya : devenir un hub technologique et financier en Afrique de l’Est.
Afrique du Sud : relancer son industrie et renforcer sa recherche scientifique.
Chaque pays doit trouver sa propre voie, mais avec un point commun : des élites compétentes, intègres et pragmatiques.
Conclusion
L’histoire de la Chine prouve que la prospérité d’une nation dépend avant tout de la qualité de ses élites. Mao, enfermé dans l’idéologie, a plongé son pays dans la misère. Deng, en misant sur le pragmatisme et l’ouverture, a transformé la Chine en géant économique.
L’Afrique n’a pas un problème de peuple ni de ressources. Elle a un problème d’élites. Tant que celles-ci ne placeront pas l’intérêt national au-dessus des intérêts privés, le continent restera prisonnier de la pauvreté. Mais si elles suivent l’exemple de Deng – pragmatisme, ouverture, vision à long terme – l’Afrique peut, elle aussi, changer son destin et devenir un acteur majeur du XXIᵉ siècle.
conception et écriture , kapayoalimasi@gmail.com, ce dimanche 28.09.2025 dans la ville de Mainz en Allemagne.
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