Vapeur, acier, microprocesseurs… et maintenant l’IA : la mécanique des grandes vagues par Guy Kapayo

 


Vapeur, acier, microprocesseurs… et maintenant l’IA : la mécanique des grandes vagues


Introduction


Chaque grande révolution technologique a suivi un schéma similaire : un saut d’efficacité productive, un afflux massif de capitaux, une bulle financière, une crise, puis une consolidation durable qui transforme l’économie et la société. Du métier à tisser mécanique à l’intelligence artificielle, l’histoire industrielle montre que le progrès ne va pas sans emballement spéculatif. L’IA, aujourd’hui, s’inscrit dans cette continuité historique.


Chapitre 1 – La vapeur et le métier à tisser : naissance de l’usine moderne


En 1771, Richard Arkwright met en place dans le Derbyshire la première usine textile mûe par un moulin à aubes. Le métier à tisser mécanique devient le symbole de la Première Révolution industrielle. La mécanisation du textile entraîne une hausse massive de productivité : la production de coton en Grande-Bretagne passe de 2 millions de livres en 1760 à plus de 300 millions en 1830. Cette dynamique attire les capitaux et concentre la main-d’œuvre dans les villes industrielles. Mais elle alimente aussi des spéculations et des tensions sociales : entre 1811 et 1816, le mouvement des Luddites détruit des machines par crainte de la perte d’emplois.


**Parallèle avec l’IA :** De même que la machine a remplacé le travail manuel répétitif, l’IA automatise des tâches cognitives. Elle promet des gains de productivité considérables mais alimente aussi des craintes de substitution massive.


 Chapitre 2 – La locomotive et le rail : la bulle des chemins de fer


En 1829, George Stephenson met au point la « Rocket », locomotive à vapeur capable de tirer des wagons à 40 km/h. Le chemin de fer devient le moteur de la croissance au XIXe siècle : en Grande-Bretagne, la longueur des lignes passe de 98 km en 1830 à plus de 16 000 km en 1870. Cet essor déclenche la bulle ferroviaire des années 1840 : entre 1844 et 1846, plus de 1 000 compagnies sont créées et la valeur des actions ferroviaires quadruple. L’effondrement de 1847 ruine des milliers d’investisseurs, mais les infrastructures construites demeurent.


**Parallèle avec l’IA :** Aujourd'hui, les investissements colossaux dans les data centers, les semi-conducteurs et les modèles d’IA rappellent l’infrastructure ferroviaire. Comme les rails, ces infrastructures sont indispensables, mais la spéculation peut dépasser la rentabilité immédiate.


Chapitre 3 – L’acier de Carnegie : bâtir le monde moderne


À partir des années 1870, Andrew Carnegie transforme Pittsburgh en capitale de l’acier grâce aux procédés Bessemer et Siemens-Martin. La production américaine d’acier passe de 68 000 tonnes en 1870 à 11 millions de tonnes en 1900. L’acier devient le matériau fondamental de la modernité : gratte-ciel, ponts, chemins de fer, machines-outils. Carnegie Steel est valorisée à plus de 400 millions de dollars lors de sa vente à J.P. Morgan en 1901, un record pour l’époque. La spéculation accompagne cette montée en puissance, mais le socle d’infrastructures bâti reste durable.


**Parallèle avec l’IA :** l’acier fut la matière première de l’industrialisation. L’IA, à sa manière, est la nouvelle matière première de l’économie numérique : un facteur général de production, intégré dans tous les secteurs.


Chapitre 4 – La chaîne de Ford : la production de masse et le fordisme


En 1913, Henry Ford introduit la chaîne d’assemblage pour la fabrication du modèle T. Le temps d’assemblage passe de 12 heures à 1 h 30 par véhicule. Ce système réduit drastiquement les coûts : le prix du modèle T chute de 825 dollars en 1908 à 260 dollars en 1925. L’automobile devient accessible à la classe moyenne. La production de masse inaugure le fordisme : consommation de masse, salariat standardisé, montée du pouvoir d’achat. Mais cette dynamique n’empêche pas les crises de surproduction et le krach de 1929, où l’industrie automobile subit une chute de 75 % de sa production.


**Parallèle avec l’IA :** l’automatisation cognitive promise par l’IA pourrait permettre une « production de masse » de services intellectuels : code, contenu, assistance. Mais cette standardisation risque aussi d’engendrer uniformité et vulnérabilité économique.


Chapitre 5 – Le microprocesseur : l’ère numérique


En 1971, Intel lance le microprocesseur 4004, concentrant sur une puce l’équivalent d’une unité centrale de calcul. Le coût du calcul chute de façon exponentielle, ouvrant la voie à l’informatique personnelle. La diffusion du microprocesseur conduit à l’explosion d’Internet dans les années 1990. La bulle dot-com de 2000 en est l’illustration : les valorisations boursières des entreprises Internet passent de 12 % du S\&P 500 en 1995 à 36 % en 2000, avant de s’effondrer de 70 % en deux ans. Après cette purge, l’économie numérique devient l’infrastructure centrale du monde globalisé.


**Parallèle avec l’IA :** l’IA, comme le microprocesseur, n’est pas un produit isolé mais une technologie à usage général. Elle s’intègre à toutes les activités et crée un écosystème entier d’applications et de marchés.


Chapitre 6 – L’IA aujourd’hui : promesse, bulle et avenir


L’intelligence artificielle combine les traits des révolutions passées : automatisation du textile, infrastructures du rail, rôle fondamental de l’acier, organisation fordienne, diffusion du microprocesseur. Sa spécificité tient à sa vitesse de diffusion (ChatGPT atteint 100 millions d’utilisateurs en deux mois, un record historique), son coût marginal quasi nul et sa concentration entre quelques acteurs géants (Microsoft, Google, Nvidia). En 2025, Nvidia dépasse 3 000 milliards de dollars de capitalisation, illustrant la fièvre spéculative. Tout indique qu’une bulle est en formation, dont l’éclatement est probable. Mais, comme pour les révolutions précédentes, l’héritage durable dépassera largement la phase spéculative.


Conclusion – La mécanique des grandes vagues


De la vapeur à l’IA, chaque grande innovation suit une trajectoire commune : une percée technologique, une euphorie financière, une désillusion, puis une intégration durable. L’histoire montre que les bulles ne sont pas de simples excès irrationnels, mais un passage obligé de l’industrialisation du futur. L’intelligence artificielle, malgré ses excès actuels, ne fait pas exception. Elle est appelée à devenir, après la crise, un pilier structurel de l’économie mondiale.


Cycle des bulles technologiques par Gartner.

1.chaque grande innovation passe par un pic d’attentes

2.une phase de désillusion (bulle qui éclate)

3.puis une reconstruction qui mène à un plateau de productivité durable

4.L’IA semble en 2025 se situer autour du pic des attentes



Concept et écriture kapayoalimasi@gmail.com, dans la ville de Mainz en Allemagne, ce samedi 23 Août 2025







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