La chine s'en prend au Dollars américain
Journal "Le Monde " Online /PHILIPPE DESMAZES
Une grande part de ces réserves de change chinoises — de près de 2 000 milliards de dollars — sont aujourd'hui en dollars et la Chine s'est inquiétée à plusieurs reprises de l'avenir de ces avoirs.
La réforme de l'architecture financière devrait être au menu des discussions du G20 qui réunit les dirigeants des pays industrialisés et des économies émergentes, le 2 avril à Londres. A une semaine de l'ouverture du sommet, la Banque centrale de Chine appelle à la révolution. Zhou Xiaochuan, le gouverneur de la Banque centrale, demande, dans un essai publié lundi 23 mars, l'adoption d'une nouvelle monnaie de réserve internationale, pour remplacer le dollar, dans un système placé sous les auspices du Fonds monétaire international (FMI).
Le but serait de créer un nouveau système économique mondial, qui ne soit pas facilement influencé par les politiques de certains pays, explique le gouverneur dans un texte publié sur le site Internet de l'institution. "L'éclatement de la crise et son débordement dans le monde entier reflètent les vulnérabilités inhérentes et les risques systémiques dans le système monétaire international", écrit-il.
La Chine est dépendante du système actuel dominé par le dollar et suit de près l'impact des politiques de relance de l'économie américaine décidées par l'administration de Barack Obama, ainsi que ses conséquences éventuelles sur les réserves de change chinoises. Une grande part de ces réserves — de près de 2 000 milliards de dollars — sont aujourd'hui en dollars et la Chine s'est inquiétée à plusieurs reprises de l'avenir de ces avoirs. L'établissement "d'une nouvelle monnaie de réserve largement acceptée (...) pourrait prendre du temps", admet Zhou Xiaochuan. Mais "à court terme la communauté internationale et particulièrement le FMI devraient au moins (...) faire face aux risques résultant du système actuel, conduire des contrôles réguliers et des évaluations".
Le président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet, a fait comprendre que la BCE ne déciderait pas de nouvelles baisses de taux avant mars, alors que les taux européens restent très supérieurs à ceux des Etats-Unis et du Japon.
LA RUSSIE FAVORABLE À CETTE IDÉE
La Chine devrait avoir de son côté un sympathisant, la Russie, qui a déjà proposé que le sommet discute de la création d'une monnaie de réserve supra-souveraine. Pour M. Zhou, celle-ci pourrait être les "droits de tirage spéciaux" (DTS) : "on devrait étudier tout particulièrement comment donner un rôle plus important aux DTS" qui ont "le potentiel" pour devenir "monnaie de réserve supra-nationale", écrit-il. Une idée déjà évoquée, notamment par le financier George Soros en 2002.
Ces DTS, dont la valeur est liée à un panier de monnaie, ont été créés en 1969 comme avoir de réserve mondial par le FMI, pour compléter les réserves de ses pays membres alors que l'offre d'or et de dollars ne suffisait plus. Leur rôle a depuis été réduit et il servent surtout comme unité de compte au FMI et certains organismes internationaux, explique le FMI sur son site Internet.
Pour l'économiste chinois Andy Xie, la proposition chinoise devrait rester lettre morte justement parce que les DTS ne constituent pas un système monétaire soutenu par un gouvernement. Mais cette proposition sert peut-être aussi à envoyer une mise en garde aux Etats-Unis, après que la Réserve fédérale américaine s'est lancée dans l'achat d'obligations du Trésor, faisant tourner la planche à billets pour faire baisser les taux – et diluer ainsi la valeur des avoirs chinois en dollars, souligne Andy Xie. "La situation est triste : la Chine est le banquier des Etats-Unis. Ceux-ci doivent énormément à la Chine, mais n'en ont pas peur.
La Chine est l'otage des Etats-Unis et pas l'inverse", estime l'économiste.
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