L'offensive contre les rebelles hutus des FDLR risque de déstabiliser le Congo

LE MONDE | 30.01.09 | 15h28 •
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GOMA (NORD-KIVU) ENVOYÉ SPÉCIAL

C'est une guerre étrange et insaisissable, loin des routes, loin des yeux et où les combattants, pour l'instant, se sont à peu près évités. Mais l'heure de vérité approche. Au Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), l'opération engagée contre les rebelles hutu des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), grâce à un retournement d'alliance, aura pour effet de résoudre l'un des plus épineux problèmes de la région, ou d'entraîner une série de catastrophes.


A la suite d'un accord surprise négocié entre les hauts responsables des deux pays, le Rwanda avait reçu du Congo l'autorisation d'entrer sur son territoire pour y mener des opérations conjointes contre les FDLR. Depuis le 20 janvier, date de l'entrée des troupes rwandaises, le dispositif s'est mis en place, progressant au sein de la zone du Masisi (nord du Kivu) et ses alentours. L'avancée des forces rwando-congolaises vise un bastion des FDLR ; plus précisément les centres de commandement des rebelles hutu, y compris leur état-major.

Les seules attaques, au bilan inconnu, se sont terminées à l'avantage de la coalition. "Ils entrent comme dans du beurre", affirme un observateur régional. Selon le général Babacar Gaye, commandant de la force de la Mission de l'ONU au Congo (Monuc), cette première phase est supposée "affaiblir, puis désorganiser, pour enfin démanteler" les camps des FDLR.

La tâche sera rude. Les FDLR ont l'avantage du terrain, ces pistes de montagnes et de forêts qu'ils connaissent parfaitement. Constitués autour des anciens soldats et miliciens rwandais impliqués dans le génocide de 1994 avant de fuir au Congo (ex-Zaïre) où ils ont installé des bases arrière et lutté aux côtés de leur pays hôte contre le Rwanda à plusieurs reprises, les rebelles hutu ont aussi dispersé leurs 6 000 à 8 000 combattants sur une longue bande courant des rives du lac Tanganyika (près de Kalemie), jusqu'au Nord-Kivu, dans la région de Lubero. Les familles des combattants se trouvent également en RDC : près de 15 000 femmes et enfants mis "à l'abri" ces dernières semaines, notamment à Goma.

A mesure que s'étendent les opérations anti-FDLR, les risques de dérapage augmentent. Au Nord-Kivu, les Hutu congolais redoutent d'être confondus avec les FDLR. Plus au sud, inversement, les FDLR menacent de s'en prendre à leurs voisins. "Ma population est très menacée, s'inquiète un mwami (chef traditionnel) de la région. Les FDLR nous ont dit que lorsqu'on va venir les traquer, ils vont tuer la population civile par rétorsion."La durée de l'opération, qui ne devait pas excéder initialement deux semaines, risque de s'étendre, peut-être de plusieurs mois, alors que les FDLR évitent pour l'instant l'affrontement. Selon une source proche du commandement FDLR à Goma, "l'intention n'est pas de se battre. L'ennemi se déploie au nord ? Nous partons vers le sud. Ils descendent ? Nous remonterons." Ces jours derniers, le FDLR a fait mouvement vers le sud, notamment vers la région de Walikale.

La seconde partie de l'opération vise les zones dont les FDLR tirent leurs revenus, en exploitant des mines ou en prélevant des taxes. L'envolée du cours des matières premières de la région (cassitérite, coltan, or, etc.) a permis aux FDRL de s'enrichir et de se réorganiser. La coalition ne s'attaque donc pas à un ennemi faible.

Or le temps ne joue pas en faveur du président Joseph Kabila. A Kinshasa, une tempête politique a été déclenchée par l'annonce de l'accord permettant au Rwanda, avec lequel le Congo est en froid ou en guerre depuis quatorze ans, d'intervenir sur son sol.

Le chef d'état-major des forces loyalistes, le général Didier Etumba, affirmait ne pas avoir été mis au courant, pas plus que le président de l'Assemblée nationale, Vital Kamerhe.

Pour convaincre son pays qu'il n'a pas cédé au Rwanda l'est du Congo, déjà occupé de force par les troupes de Kigali pendant la deuxième guerre régionale (1998-2003), le président Kabila devra montrer que le marché passé avec son voisin a mis fin aux activités de la rébellion de Laurent Nkunda, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), qui menaçait, fin 2008, d'embraser le Congo. M. Nkunda, arrêté par le Rwanda, son allié de la veille, se trouve toujours en résidence surveillée à quelques centaines de mètres de Goma, côté Rwandais.

Kigali n'a pas révélé quand il devrait être remis au Congo, conformément à leurs accords préalables. "Pour éviter que la situation ne dégénère à Kinshasa, il faudra que Kabila puisse montrer Laurent Nkunda pieds et poings liés. Sinon, il risque gros", estime un des responsables du gouvernement local du Nord-Kivu.

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