Le Blackberry et la sécurité des communications des autorités politiques


Le BlackBerry blacklisté des lieux de pouvoir
Pas assez sécurisé, l'assistant personnel est interdit, des ministères à l'Elysée.
Par Alix Christophe, Libération.fr

Banni, interdit, chassé, mouton noir. Depuis quarante-huit heures, le très en vogue BlackBerry bénéficie d’une surexposition médiatique dont il se serait bien passé. La «mûre», ce petit concentré de technologie mobile qui fait la fortune de son fabricant canadien Research In Motion (RIM) dans le monde entier est sous les feux de la rampe depuis que le Monde daté de mercredi a révélé que le Secrétariat général de la défense nationale (SGDN) avait fait passer une circulaire interdisant l’utilisation de cet assistant numérique personnel dans les ministères, à Matignon et à l’Elysée.

«Guerre économique». Motif ? Cet outil «nomade» conçu pour recevoir et envoyer des courriers électroniques depuis l’extérieur pose un «problème de sécurisation des données». Autrement dit, il n’est pas sûr : les messages qui transitent pour toute l’Europe via un serveur situé au Royaume-Uni pourraient être interceptés par le service d’écoutes américain NSA (National Security Agency). Selon Alain Juillet, le haut responsable de l’intelligence économique au SGDN qui ne perd jamais une occasion de rappeler que le monde vit aujourd’hui en situation de «guerre économique», les «risques d’interception sont bien réels» et «le problème se pose aussi bien pour les entreprises que pour les administrations». Bref, il est hors de question de laisser circuler des informations gouvernementales entre des mains étrangères.

La circulaire en question ne date pourtant pas d’hier. Elle remonte à dix-huit mois mais a dû être renotifiée, sans doute parce que sa première diffusion n’avait pas rencontré tout l’écho escompté auprès des hauts fonctionnaires. Il faut dire qu’en quelques années le BlackBerry est devenu le principal attribut d’ Homo connectus, comme diront peut-être un jour les sociologues. D’abord adopté dans les hautes sphères des cabinets d’avocats d’affaires, ce terminal mobile aussi robuste que peu sexy d’apparence dans ses premiers modèles s’est vite répandu à ceux qui ne peuvent plus vivre sans rester reliés 24 heures sur 24 à leur messagerie Internet. Le «crackberry», comme on l’a surnommé outre-Atlantique, a été déployé par flottes entières dans les sociétés du CAC 40 et les cabinets ministériels où les conseillers ont appris à consulter des rapports de 200 pages en «pièces jointes» au ­milieu d’un déplacement dans une PME du Cantal. Nicolas Sarkozy ne déroge pas à la règle du «VIP = BlackBerry» : il a lui aussi été immortalisé en photo, l’oreille collée à son terminal canadien. Du coup, ça grince dans les palais de la République où, comme à Bercy, cet outil équipe plusieurs centaines de cadres depuis 2004 après avoir été notamment choisi pour ses qualités de. sécurité !

«Dépassée». En revanche, l’usage du BlackBerry est interdit à l’Elysée et à Matignon où l’on précise dans l’entourage de François Fillon «qu’aucun système de PDA n’est totalement sûr à ce niveau d’exigence de sécurité». Député UMP du Tarn et «père de la doctrine française d’intelligence économique», comme il se présente, Bernard Carayon se félicite de ce rappel à l’ordre mobile. «Il est heureux qu’il y ait une prise de conscience de ces enjeux au plus haut niveau, explique-t-il. Ils engagent la sécurité de l’Etat, la compétitivité des entreprises et la protection de nos données personnelles et appellent autre chose que des réponses timides et naïves. Les membres des cabinets doivent obéir, pas tergiverser !»

Chez RIM où l’on est très fier d’avoir réussi à imposer dans les sphères du pouvoir le terminal fabriqué à Waterloo (Ontario), la réaction française est considérée comme «dépassée». Le fabricant canadien, qui ne commercialise ses appareils que par l’intermédiaire des opérateurs, soutient que les échanges de données sont cryptés de bout en bout, «invisibles» par la NSA, et que sa technologie est utilisée et approuvée pour la «transmission de données sans fil à diffusion restreinte» par l’Otan ainsi que par les ­gouvernements britannique, américain, canadien, néo-zélandais et autrichien, et en attente de certification en ­Allemagne et aux Pays-Bas. Soit 450 000 clients du secteur ­public sur les 7 millions d’utilisateurs dans le monde. «La ­semaine où la France veut interdire le BlackBerry dans l’administration, la Chambre des communes anglaise parle d’autoriser son utilisation en session, note-t-on chez RIM, où l’on espère que les choses vont se calmer. Tout un symbole.»

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