Blanchissement des capitaux et structure de corruption : Mode opératoire

Dans son ouvrage intitulé"The Elusive Quest for Growth: Economists'adventures and Misadventures in the Topics" MIT Press, Cambridge (Massachussets, 2001) l'économiste William Easterly estime que si rien n'a fonctionné dans les politiques de développement en Afrique, c'est parce qu'aucune des approches n'a cherché à modifier dans le bon sens la structure d'ensemble des incitations qui d'une part, poussent les prestataires(pays riches du nord) à aider souvent en dépit du bon sens et , d'autre part, pousse les récipiandaires(pays pauvres du sud) de l'aide à dilapider fréquement les ressources dans le court-terme.

William Easterly estime qu'il faut vaincre les pièges de pauvreté et surtout déjouer les structures de corruption qui gangrènent les appareils d'Etat dans bien des pays pauvres, car c'est souvent le détournement ou l'utilisation insensée des fonds publics d'aide au développement qui perpétuent les pièges de pauvreté.

Dénoncer les structures de corruption est un dévoir civique.
D'autres auteurs pensent qu'il existe un lien entre corruption et bonne gouvernance.


On entend par gouvernance l'ensemble des us et coutumes et des institutions à travers lesquelles le pouvoir s'exerce dans un pays pour l'intérêt collectif. Il s'agit des procédures selon lesquelles les dirigeants politiques sont élus, contrôlés et comment s'effectue l'alternance au pouvoir (dimension politique), la facon dont le gouvernement gère les ressources du pays et contribue à la redistribution pour le bien-être de tous (aspect économique) et enfin le respect des citoyens et de l'Etat de l'ensemble des institutions du pays (aspect institutionnel).

On entend par corruption , l'usage négatif que l'on fait de la position dont on occupe dans une des institutions publiques à des fins d'enrichissement personnel.



1. Lutte contre les structures de la corruption et les idées recues.

Il apparaît évident que pour lutter contre la corruption ou ses structures , la connaissance de son mode opératoire soit important. Généralement une idée fausse est souvent répandue que pour lutter contre la corruption, il faut créer des commissions parlementaires, rédiger des nouveaux décrets, des lois ou des codes déontologique ou encore mobiliser la presse par des campagnes anti-corruption vide de substance.

En réalité tout cela n'est que de la poudre aux yeux en vue de répondre aux pressions des institutions internationales donateurs d'aides .

"Suivez l'argent et le circuit de l'argent " est le seul moyen efficace de lutte contre la corruption et les structures de la corruption.




2.Suivez l'argent et les structures de relais des réseaux mafieux.

Pour lutter contre le blanchissement d'argent sale, il convient de distinguer trois reseaux ou sources mafieux:les malfaiteurs, les cambistes ou échangeurs de monnaie et les banques. A ces trois reseaux on peut ajouter les hauts fonctionnaires indélicats et les commercants grossistes .

Pour comprendre comment ils agissent ou interagissent , il est possible de faire des combinaisons complexes entre ces sources. Mais suivre l'argent ou le circuit de l'argent est la clé pour comprendre le mode opératoire de ces réseaux.

A ces réseaux ou sources, il faut ajouter les structures de relais physique qui entrent en jeu pour couvrir toutes les opérations ou transactions financières. On citera par exemple les entreprises fictives, les casinos, les restaurants, les night-clubs, les hôtels, les distributeurs automatiques, les laveries des voitures, les banques dans les pays limitrophes, les salles de jeu bref toute forme d'activité ou l'argent liquide circule rapidement.

3. Comment fonctionnent ces réseaux ?

Le blanchissement de l'argent sale se fait en trois étapes qui peuvent se suivre ou se superposer. Mais en principe la première phase est celle du placement des capitaux illicites, la seconde phase est celle de l'entassement et la dernière est celle de l'intégration de l'argent sale dans les circuits économiques classiques.

A) Première phase : Le placement

Cette première phase consiste à masquer l'origine illicite de l'argent en convertissant l'argent sale avec l'argent dite" propre" c.à.d. non issue des combines mafieux. Pour éclaircir la compréhension de cette phase, prenon l'exemple du trafic des drogues. Dans ce commerce illicite, les gros trafiquants livrent la marchandise aux petits trafiquants . Ces dernier livrent à leur tour aux petits vendeurs et ces derniers aux consommateurs. Les consommateurs paient en principe en petite coupure. Ces petites coupures rassemblés font des gros montants lourds à transporter dont les gros trafiquant préfèrent se débarrasser soit en grosses coupures, en chèque bancaire ou en instruments monétaires facilement négociables tel qu'une lettre de change ou billet à ordre. Pour cela , les trafiquants passent souvent par des structures de relais tels que les casinos, night-club , restaurant ect.

C'est pour cette raison que les milieux mafieux investissent beaucoup dans les night-clubs, casinos, restaurants, hôtels de passe, jeux de hasard, les opérations des cambistes etc..
Il suffit d'identifier les propriétaires de ces établissements en RDC pour savoir qui sont actifs dans ces combines.

Bref,ces structures de relais servent de couverture pour blanchir l'argent sale dans un premier temps.

B) La seconde phase : l'entassement

Dans cette phase, les milieux mafieux cherchent à éloigner le plus possible l'argent sale de son origine. Pour ce faire, ils multiplient les transactions financières par personnes interposées. Ce rôle peut être joué par des cambistes, des fonctionnaires de banque, des agents de douane qui font partie du circuit mafieux. Pour des grosses sommes d'argent, les milieux mafieux n'hésitent pas à créer des entreprises fictives dans des pays limitrophes ou ils disposent des relations solides.

C'est ainsi que la plupart des structures de relais des milieux mafieux se trouvent dans des villes ou cités limitrophes de la RDC. A titre exemplatif , je peux citer les villes de Kinshasa, Zongo, Gbadolite, Mobayi Mbongo, Yakoma, Soyo, Moanda, Tshikapa, Dilolo, Lubumbashi, Kalemie, Uvira, Bukavu, Goma, Aru, Rutshuru, Bunia et Aba.

Dans cette phase , les milieux mafieux s'arrangent que l'argent sale se dilue sans se faire remarquer des opérations courantes. Ils utilisent pour cela deux techniques comptables qui ont fait leur preuve , notamment la double facturation et le prêt accordé á soi-même.

Je m'explique : Imaginons un trafiquant qui a une entreprise fictive à Kinshasa et dans la ville de Brazzaville et a envie de faire passer des capitaux de Kinshasa à Brazzaville et vice-versa. Que fait-il ? Il passe une commande des biens ou services en grossissant les montants des factures. Pour faire entrer des fonds en RDC, son entreprise RDcongolaise grossit le prix des biens et services indiqués sur les factures. Pour faire sortir les fonds de la RDC l'entreprise grossit sa propre surfacturation vers Brazzaville.

L'autre technique d'entassement est le prêt accordé à soi-même. Un malfaiteur ayant pignon sur rue à Brazzaville peut s'accorder un prêt de son entreprise et le faire virer dans son compte de Kinshasa.

Le trafiquant peut échanger l'argent liquide en jeton dans un casino et échanger ce montant contre un chèque tiré par la banque du casino et effacer les traces de l'argent sale.

Le trafiquant peut aussi acheter avec un prête-nom des objets de luxe, tels des voitures , des bijoux, des villas ect. et revendre ces biens aux prix forts après une période de temps ou les actifs ont augmentés de valeur.


C) Troisième phase: Intégration des fonds dans les circuits classiques

Dans cette phase, le trafiquant investit les fonds dans une activité normale. Il peut s'agir d'ouverture d'un magasin de luxe, d'une alimentation, de l'acquisition des immeubles de luxe, de la vente des voitures d'occasion etc...
Toutefois les milieux mafieux préfèrent investir dans des activités qui leur permettent de disposer du liquide rapidement . Aussi on les retrouve dans des activités que j'ai cité plus haut, ainsi la boucle est bouclée.
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Conclusion.

Un gouvernement qui veut lutter contre la corruption ou les structures de corruption prendra des mesures qui vont dans le sens de la suivie des circuits de l'argent . L'on s'investira moins dans des campagnes de type "campagne contre la corruption" ou envoyer la police chasser les échangeurs de monnaie pour faire plaisir aux caméras de la télévision nationale. Ce genre de spectacle, on l'a souvent vu pendant le gouvernement de l'ancien regime et espérons que le nouveau gouvernement va nous épargner ce genre de scène pathétique.

Si on veut lutter contre la corruption alors "Suivez l'argent ou son circuit"

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