La RDC un pays des mendiants arrogants



Les «mendiants arrogants»

Baudoin Amba Wetshi congoindependant.com – Bruxelles

11 janvier 2010



Ainsi donc Joseph Kabila est fâché contre le commissaire européen Karel De Gucht au motif que celui-ci a qualifié les autorités congolaises d’«interlocuteurs inappropriés». C’était au cours d’un débat au Parlement européen. L’irrévérencieux euro-commissaire écope de la «peine maximale» : interdiction de séjour en RD Congo. Cette décision maximaliste prive Kinshasa de la moindre marge de manœuvre pour sauver la face. Plus grave, cette mesure vient confirmer la «fragilité psychologique» dont souffrent les hommes et les femmes qui gouvernent la RD Congo. Alexis Thambwe Mwamba et Lambert Mende Omalanga, respectivement ministre des Affaires étrangères et ministre de la Communication et des médias se sont comportés dans ce dossier en vulgaires «petits soldats» obéissant aveuglement aux ordres du «raïs». Et pourtant, De Gucht n’a rien dit de neuf. L’homme est resté cohérent avec lui-même.

Depuis son entrée au gouvernement en septembre 2004 en qualité de ministre des Affaires étrangères, l’ancien président des libéraux flamands (VLD) n’a pas raté une occasion de «titiller» Joseph Kabila et le système qu’il incarne. «Je n’ai pas rencontré des hommes d’Etat au Congo», déclarait-il en octobre 2004 lors de sa première tournée en «Afrique centrale». Entendez : le Burundi, la RD Congo et le Rwanda. C’est lors de l’étape rwandaise que «Karel» a fait cette annonce tonitruante. «La Belgique donne beaucoup d’argent à votre pays et cela lui donne le droit de formuler des critiques sur votre gestion», lançait-il une année plus tard devant un Joseph Kabila médusé qui l’avait fait poireauter pendant plusieurs heures avant de le recevoir. De retour à Bruxelles, «KDG» de tonner devant les députés belges : «Le Congo est un Etat raté». Il dénonce au passage la «corruption de dirigeants». Au grand bonheur d’une opposition congolaise muselée.

Le 16 décembre 2009, Karel De Gucht, euro-commissaire en charge du Développement et aide humanitaire, a tiré sa dernière rafale avant de prendre le portefeuille du Commerce à la fin de ce mois de janvier. Pour lui, le Congo de Joseph Kabila ressemble à s’y méprendre à une sorte de tonneau de Danaïde. L’aide humanitaire consentie par l’Europe ne donne aucun résultat. A y regarder de près, cette dernière prise de position ressemble à celle d’octobre 2004.
Il faut dire que De Gucht est tout sauf le premier homme politique du royaume de Belgique à faire preuve de désinvolture à l’égard des autorités zaïro-congolaises. Pourquoi ? Toute la question est là. La réponse se résume en deux mots : la dépendance.

Dès le lendemain de l’accession du Congo à l’indépendance, la Belgique a mis en place la mythique «Coopération au développement» en faveur de ses anciennes colonies. Tous les secteurs vitaux (agriculture, santé, enseignement, sécurité alimentaire etc.) sont pris en charge par la «coopération». Sans omettre les infrastructures de base. Les pouvoirs publics ont ainsi oublié leurs devoirs à l’égard de la population. Au cours d’une interview accordée à la presse belge, le président Mobutu ne disait-il pas avec un certain ravissement qu’à travers la coopération, la Belgique ne faisait qu’achever l’œuvre commencée durant la colonisation ? Au fils du temps, les autorités belges sont devenues très critiques à l’égard l’incapacité des dirigeants zaïrois à avoir un souci social.

L’intérêt général.


Cette forme de coopération dite d’Etat à Etat a disparu avec la fin de la Guerre froide à la fin des années 80. A la fin des années 80, une nouvelle génération politique est arrivée aux affaires en Belgique. C’est le cas particulièrement en Flandre, la région la plus peuplée et la plus puissante au plan politique et économique. C’est la génération des hommes politiques tels que Guy Verhofstadt et autres Karel De Gucht. La plupart d’entre eux avaient moins de dix ans d’âge au moment de l’«émancipation» de l’ex-Congo belge. Ils ne souffrent d’aucun complexe par rapport au passé colonial de la Belgique. Pour ces personnalités, il n’y a point de place pour l’émotion ou les sentiments dans les relations d’Etat à Etat. Il n’y a que des intérêts. Aussi, la Belgique doit-elle traiter le Congo au même titre que n’importe quel autre pays.


Cette attitude est propre à la Flandre, alors que la Wallonie-Bruxelles affiche une posture paternaliste. A Kinshasa, la leçon est loin d’être comprise. «Moulés» dans la dépendance, les dirigeants zaïro-congolais n’ont nullement développé le génie créateur au point d’attendre tout et n’importe quoi de l’Occident en général et de la Belgique en particulier. A preuves ?


En 1992, en pleine crise belgo-zaïroise, la Régie de distribution d’eau (REGIDESO) est confrontée à une rupture de stock de chlore nécessaire pour l’assainissement de l’eau courante. Le gouvernement belge a dû intervenir pour permettre à cette Régie de s’acquitter de ses missions. «Ce fameux Président n’est même pas capable de fournir de l’eau potable à sa population», déclarait le socialiste flamand Willy Claes, alors ministre des Affaires étrangères. Entre Etats égaux, une telle déclaration aurait provoqué un grave incident diplomatique. Rien ne s’est passé. Ne dit-on pas que celui qui paie est le patron ?


En 1994, Erik Derijcke, alors secrétaire d’Etat à la Coopération a effectué une tournée dans quelques pays de l’Afrique de l’Est en l’occurrence le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie. De retour à Bruxelles, Derijcke dit avoir noté une «volonté d’autonomie» dans ces anciennes colonies anglaises. Et ce, contrairement aux anciennes colonies belges où il règne «un besoin constant d’assistance extérieure».

Les changements institutionnels intervenus dans l’ex-Zaïre en mai 1997, n’ont apporté aucune rupture. Par facilité, la dépendance reste plus que jamais de rigueur. A titre d’illustration, en 2005, le ministre belge de la Coopération au développement signait à Bruxelles avec le ministre congolais des Transports et communications d’alors, Heva Muakasa, un accord portant sur la réhabilitation des ports de Kinshasa et de Matadi. Montant : un million d’euros. Tout ça pour ça ? Et pourtant, au cours de cette même année, la «liste civile» du chef d’Etat congolais s’élevait à 13,5 millions d’euros. En 2006, le ministère belge de la Coopération au développement a financé les travaux de réhabilitation du pont de la Nyemba à Kalemie (Katanga). Coût : 2,5 millions d’euros.

En mars 2006, le gouvernement de la RD Congo décide d’imprimer les plus grosses coupures du Franc congolais. Coût : 1.400.000 €. Une firme allemande exige le paiement cash. Devant l’embarras des Congolais, la Belgique décide de prendre cette dépense à sa charge par le biais de la Coopération au développement. En 2007, le Siamu (Service d’incendie et d’aide médicale d’urgence), un organisme public belge, a offert, en guise de don, trois ambulances, du matériel sanitaire et de radiocommunication aux villes de Kinshasa et de Goma.

Questions : Où est passé l’Etat congolais ? Pourquoi l’Etat congolais a-t-il transféré aux institutions internationales ainsi qu’aux organisations non gouvernementales - financées au demeurant par des puissances étrangères - la charge de s’occuper du bien-être de la population congolaise ? Devrait-on, dès lors, s’étonner de voir celui qui vous donne «beaucoup d’argent» se croire en droit de s’ériger en censeur en formulant des critiques sur la gestion du bénéficiaire de ses libéralités ?

Karel de Gucht ne doit pas changer. Ce sont les Congolais qui doivent changer. Les gouvernants, en premier lieu. Ils doivent avoir un minimum d’orgueil, de dignité et de fierté pour rompre avec la dépendance ridicule décrite ci-haut. La RD Congo doit, pour ce faire, se doter des capacités administratives, financières - et pourquoi pas militaires ?- pour retrouver sa respectabilité perdue.
A défaut, le Congo-Kinshasa ne sera qu’un pays de "mendiants arrogants", comme le disait l’ancienne commissaire européenne Emma Bonino. Elle parlait de ces Etats africains qui ne peuvent boucler leur budget sans l’aide extérieure. Des Etats très susceptibles sur leur souveraineté

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