L'Indépendance de la banque centrale en Europe et au Japon
Les limites de l'indépendance des banques centrales
Article publié au journal "LE MONDE 20.01.07 14h38" PAR Cécile Prudhome.
Les pressions politiques sur les banques centrales redeviennent à la mode.
La Banque centrale européenne (BCE) a continué d'essuyer les critiques de la classe politique française, qui souhaiterait changer les objectifs de l'institut d'émission. La candidate socialiste à l'élection présidentielle, Ségolène Royal, s'est exprimée, mercredi 17 janvier à Luxembourg, en faveur d'"un élargissement du statut de la BCE qui intègre très clairement, comme aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, non seulement la maîtrise de l'inflation, mais aussi la croissance économique et le progrès social". "Il ne s'agit pas de remettre en cause son indépendance, mais il s'agit de ne pas la laisser exercer une omnipotence", a précisé Mme Royal.
Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur a, elle, de nouveau jugé, mercredi sur la chaîne Public Sénat, qu'"il serait utile que les pays de l'Union européenne examinent si, dans le mandat de la BCE, il ne serait pas opportun d'introduire la notion de croissance". Mais, pour le moment, la France n'a pas encore trouvé de relais au niveau européen.
PERTE DE CRÉDIBILITÉ
La chancelière allemande Angela Merkel, quelques jours auparavant, avait mis la France en garde contre les critiques sur l'euro et la BCE, affirmant, dans Le Monde daté 14-15 janvier, que "la position allemande, très ferme" était de "laisser à la Banque centrale son indépendance".
Au Japon, les pressions politiques sur la banque centrale donnent au contraire l'impression de porter leurs fruits. La Banque du Japon (BoJ) a annoncé, jeudi, qu'elle ne modifiait pas son principal taux d'intérêt, qui se situe à 0,25 %, respectant l'avis du gouvernement.
La BoJ a motivé sa décision par le fait que "les développements de l'économie japonaise se sont avérés légèrement inférieurs aux prévisions" et que cette déviation "s'explique principalement par une consommation privée plus faible que prévu, en partie causée par l'effet défavorable de mauvaises conditions météorologiques". Parallèlement, "les prix à la consommation ont jusqu'à présent évolué de façon légèrement inférieure aux prévisions, reflétant en partie la chute des prix du pétrole brut", a jugé la BoJ.
Cette décision, entourée d'une certaine cacophonie, a provoqué un flot de critiques dans la presse japonaise, non pas sur son bien-fondé, mais sur la façon dont elle a été prise.
Des fuites distillées dans la presse nippone une semaine auparavant avaient préparé les marchés à une hausse des taux, envers laquelle plusieurs membres du gouvernement avaient ouvertement manifesté leur désaccord. De nouvelles fuites, mercredi, ont laissé entendre que la BoJ avait changé d'avis et s'orientait vers un statu quo.
Jeudi, la chaîne de télévision japonaise TBS indiquait que la banque centrale en avait même informé le gouvernement avant le début de sa réunion. Le gouverneur de la BoJ, Toshihiko Fukui, a eu beau démentir cette information, médias et analystes n'en ont retenu qu'une nouvelle perte de crédibilité de la banque centrale.
Les marchés ont réagi négativement en faisant baisser le yen. La monnaie nippone a chuté jeudi de plus de 1 % face à l'euro, et, face au dollar, elle a atteint son niveau le plus bas depuis quatre ans, à plus de 121 yens pour 1 dollar.
SEUIL DE TOLÉRANCE ATTEINT
Cette évolution n'a fait qu'accroître le mécontentement des autorités européennes, irritées par la faiblesse du yen qui entrave la compétitivité du Vieux Continent. Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe (l'instance réunissant les ministres des finances de la zone euro) et à ce titre porte-parole de l'euro, est d'ailleurs intervenu, jeudi, à ce sujet.
"La banque centrale japonaise a voté par six voix contre trois le maintien de ses taux à leur niveau actuel, et ce qui devait arriver arriva, à savoir que le taux de change de l'euro/yen a bougé à notre désavantage, car le yen est actuellement particulièrement bas", a dit M. Juncker à des journalistes.
Des déclarations qui laisseraient entendre, selon les observateurs, que les Européens ont atteint leur seuil de tolérance sur le sujet de la faiblesse du yen et qu'il en sera question lors du prochain sommet des pays du G7, en février.
M. Juncker s'est aussi interrogé sur la façon dont la banque centrale nippone a choisi de ne pas modifier sa politique monétaire : "J'ai l'impression qu'il y a eu quelque chose qui tient de l'influence politique sur la décision de la banque centrale japonaise."
Les économistes pensent aujourd'hui que la hausse des taux interviendra en février - la banque centrale se réunit les 20 et 21 février de ce mois -, après l'obtention des chiffres de la croissance du quatrième trimestre 2006.
Article publié au journal "LE MONDE 20.01.07 14h38" PAR Cécile Prudhome.
Les pressions politiques sur les banques centrales redeviennent à la mode.
La Banque centrale européenne (BCE) a continué d'essuyer les critiques de la classe politique française, qui souhaiterait changer les objectifs de l'institut d'émission. La candidate socialiste à l'élection présidentielle, Ségolène Royal, s'est exprimée, mercredi 17 janvier à Luxembourg, en faveur d'"un élargissement du statut de la BCE qui intègre très clairement, comme aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, non seulement la maîtrise de l'inflation, mais aussi la croissance économique et le progrès social". "Il ne s'agit pas de remettre en cause son indépendance, mais il s'agit de ne pas la laisser exercer une omnipotence", a précisé Mme Royal.
Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur a, elle, de nouveau jugé, mercredi sur la chaîne Public Sénat, qu'"il serait utile que les pays de l'Union européenne examinent si, dans le mandat de la BCE, il ne serait pas opportun d'introduire la notion de croissance". Mais, pour le moment, la France n'a pas encore trouvé de relais au niveau européen.
PERTE DE CRÉDIBILITÉ
La chancelière allemande Angela Merkel, quelques jours auparavant, avait mis la France en garde contre les critiques sur l'euro et la BCE, affirmant, dans Le Monde daté 14-15 janvier, que "la position allemande, très ferme" était de "laisser à la Banque centrale son indépendance".
Au Japon, les pressions politiques sur la banque centrale donnent au contraire l'impression de porter leurs fruits. La Banque du Japon (BoJ) a annoncé, jeudi, qu'elle ne modifiait pas son principal taux d'intérêt, qui se situe à 0,25 %, respectant l'avis du gouvernement.
La BoJ a motivé sa décision par le fait que "les développements de l'économie japonaise se sont avérés légèrement inférieurs aux prévisions" et que cette déviation "s'explique principalement par une consommation privée plus faible que prévu, en partie causée par l'effet défavorable de mauvaises conditions météorologiques". Parallèlement, "les prix à la consommation ont jusqu'à présent évolué de façon légèrement inférieure aux prévisions, reflétant en partie la chute des prix du pétrole brut", a jugé la BoJ.
Cette décision, entourée d'une certaine cacophonie, a provoqué un flot de critiques dans la presse japonaise, non pas sur son bien-fondé, mais sur la façon dont elle a été prise.
Des fuites distillées dans la presse nippone une semaine auparavant avaient préparé les marchés à une hausse des taux, envers laquelle plusieurs membres du gouvernement avaient ouvertement manifesté leur désaccord. De nouvelles fuites, mercredi, ont laissé entendre que la BoJ avait changé d'avis et s'orientait vers un statu quo.
Jeudi, la chaîne de télévision japonaise TBS indiquait que la banque centrale en avait même informé le gouvernement avant le début de sa réunion. Le gouverneur de la BoJ, Toshihiko Fukui, a eu beau démentir cette information, médias et analystes n'en ont retenu qu'une nouvelle perte de crédibilité de la banque centrale.
Les marchés ont réagi négativement en faisant baisser le yen. La monnaie nippone a chuté jeudi de plus de 1 % face à l'euro, et, face au dollar, elle a atteint son niveau le plus bas depuis quatre ans, à plus de 121 yens pour 1 dollar.
SEUIL DE TOLÉRANCE ATTEINT
Cette évolution n'a fait qu'accroître le mécontentement des autorités européennes, irritées par la faiblesse du yen qui entrave la compétitivité du Vieux Continent. Jean-Claude Juncker, président de l'Eurogroupe (l'instance réunissant les ministres des finances de la zone euro) et à ce titre porte-parole de l'euro, est d'ailleurs intervenu, jeudi, à ce sujet.
"La banque centrale japonaise a voté par six voix contre trois le maintien de ses taux à leur niveau actuel, et ce qui devait arriver arriva, à savoir que le taux de change de l'euro/yen a bougé à notre désavantage, car le yen est actuellement particulièrement bas", a dit M. Juncker à des journalistes.
Des déclarations qui laisseraient entendre, selon les observateurs, que les Européens ont atteint leur seuil de tolérance sur le sujet de la faiblesse du yen et qu'il en sera question lors du prochain sommet des pays du G7, en février.
M. Juncker s'est aussi interrogé sur la façon dont la banque centrale nippone a choisi de ne pas modifier sa politique monétaire : "J'ai l'impression qu'il y a eu quelque chose qui tient de l'influence politique sur la décision de la banque centrale japonaise."
Les économistes pensent aujourd'hui que la hausse des taux interviendra en février - la banque centrale se réunit les 20 et 21 février de ce mois -, après l'obtention des chiffres de la croissance du quatrième trimestre 2006.
Cécile Prudhomme
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