Restructuration de la dette souveraine en 2006 : FMI et RDC que faire?


Comme je l'ai écrit dans mon dernier article"Le président Joseph Kabila ou le Deng Xiaoping congolais?", le nouveau gouvernement sorti des urnes en 2006 va devoir relever le défi de la relance de l'économie . Pour ce faire, il doit trouver une issue dans le dossier de la gestion de la dette souveraine avec le FMI et la Banque mondiale.

1.Etat de lieu actuel et variables macroéconomiques en RDC.

L'observation d'un certain nombre d'indicateurs macroéconomiques relève que la RDC doit faire face à des défis énormes et a besoin de tout son potentiel humain et physique pour s'en sortir.

En 2006 la RDC présentait un déficit public de l'ordre de 5 milliards de FC(Franc congolais), l'équivalent de 10 millions de dollars US ( 1$ US vaut 530 FC ). Ce déficit est monté fin octobre au niveau de 27 milliards de FC soit une croissance de 440%.

Le budget de l'Etat congolais évalué à 2,2 milliards de dollars US est financé au niveau de 57% par la communauté internationale et celle-ci a rompu le contact avant les élections en raison du manque de respect des critères de réalisations et des repères structurelles fixées par le FMI.

Le niveau général des prix ou l'inflation est estimée au niveau de 20% alors qu'il ne devrait pas dépasser la barre de 7 à 8% des mesures préalables. Le taux de change qui était de 430 FC pour 1$ US au début de l'année 2006 et ne devrait pas dépasser 513 FC le dollar est estimé actuellement à 535 FC soit une dépréciation de 24,4% depuis le début de l'année.

Les repères structurelles du FMI fixent les réserves de change de la Banque centrale un niveau limite de 200 à 250 millions de dollars US. Ce niveau est descendu à 160 millions de dollars US.
Selon certaines sources , le stock monétaire est monté dans l'ordre de 16 à 30%.

Il faut rappeler que le FMI tient au principe sacro-saint de l'équilibre et le gouvernement ne peut engager des dépenses que sur base de ses propres recettes fiscales. Un niveau de réserve de change obligatoire doit rester à la disposition de la Banque centrale pour intervenir aux situations imprévisibles dictés par le FMI.

Sur base du ratio "Dette exterieur/recettes publiques" 2003-2005, il est prévu que la RDC devrait consacrer 24,8% en 2003;28,6% et 24,6% des recettes publiques au service de la dette. Soit une moyenne de 26%. De tous les pays PPTE, seul la Zambie consacre autant de ressources au service de la dette.

Concernant le marché du travail, moins de 5% de la population active travaillent dans les secteurs formels, une partie est active dans le secteur informel et le reste au chômage.

Selon certaines estimations, la campagne électorale aura coûté pour la famille du Président Kabila 50 millions de dollars US et la campagne de son challenger Bemba aura mobilisé 20 millions de dollars US. L'investiture du nouveau président élu va coûter la somme de son prestige.

Face à ce tableau , quel attitude prendre lors des prochaines négociations du FMI avec les nouvelles autorités de la RDC ? Telle est la préoccupation qui est la nôtre en écrivant cet article.

2.Le FMI et ses objectifs à sa création par Keyness.

Le FMI avait été créé pour faire face aux imperfections des économies de marchés en vue de déboucher sur la stabilité monétaire internationale .

Il faut signaler qu'á l'origine, c'est pour tirer les lecons de la grande dépression des années 30 que Keyness a crée le FMI. L'idée de départ consistait à créer les conditions d'un emprunt au FMI pour permettre un pays en difficultés financières pour relancer son économie en adoptant des mésures de relance de la croissance intérieure et d'éviter d'exporter sa récession comme cela fût le cas á l'époque. Le pays recevait l'emprunt du FMI à la seule condition d'accroître les dépenses publique pour soutenir la production. Il n'était pas question d'emprunter au FMI pour rembourser/enrichir les banques.

Il convient de rappeler que dans la théorie économique, la conception keynésienne repose sur le concept du multiplicateur. C'est le concept utilisé par Keyness pour montrer comment dans une économie ou il n'y a pas le plein emploi des ressources, une variation autonome de la demande globale peut provoquer une variation plus importante du revenu national.

3. Le FMI et ses objectifs actuels.

Le FMI considère actuellement que le critère de bonne gestion est l'équilibre. C'est une conception qui est liée à la doctrine libérale qui voudrait limiter l'activité de l'Etat aux tâches traditionnelles. L'Etat ne doit pas se mêler dans l'activité économique. L'effet d'éviction est mis en avant par tous ceux qui pensent que l'économie laissée à elle-même assure le plein emploi des ressources. Par conséquent toute activité de l'Etat qui fait appel à une partie de ces ressources en détourne forcement l'usage du secteur privé au secteur public.

C'est avec l'abandon du régime des taux de change fixes vers les années 73 que l'on situe ce changement et surtout avec l'adoption du "consensus de Washington " c.à.d. des recettes rassemblées du FMI , de la Banque mondiale et du Trésor américain. Ce consensus pronait une austérité fiscale, une élimination des barrières de douane, la libéralisation des marchés des capitaux, la privatisation des entreprises publiques .Ce modèle fut incarné par Margareth Thatcher en Grande-bretagne et par Ronald Reagan aux USA.

Le professeur Joseph Stiglitz(Prix nobel de l'économie en 2001) qualifie d'ailleurs ce consensus dans son ouvrage "Globalisation and its Discontents""d'intégrisme du marché " c.à.d. un mélange d'idéologie et de mauvaise théorie , ignorant les imperfections d'information et de la concurrence mondiale (sous entendu des profits de monopole).
Selon le professeur Stiglitz , la politique du FMI reflète les intérêts des élites locales (ministres des finances, gouverneurs de banque centrale, banquiers et investisseurs privés) et des économies occidentales en particulier les USA et l'UE.

Selon le professeur , non seulement les politiques préconisées aggravent les problèmes de sous-développement mais entrainent des conséquences sociales et accroissent la pauvreté.


4.Le PPTE est-ce une solution miracle du FMI ?

Le lancement de l'initiative PPTE à Lyon en décembre 1996 et son renforcement en Cologne en novembre 1999 a apporté des améliorations par rapport aux différentes conditions de réamenagement de la dette depuis Toronto en 1988, de Londres en 1991 et de Naples en 1994.

Toutefois l'objectif du PPTE demeure la volonté des institutions financières internationales (IFI ) de rendre la dette supportable, parce qu'elle était devenue insupportable. Dix ans après son lancement, cette initiative est loin de tenir ses promesses. Son impact sur la pauvreté est mitigé et lent à mettre en oeuvre. Sa suspension en RDC en est une preuve. La dépendance à la tutelle du FMI est sans équivoque. Le FMI ne tient pas compte des conséquences humaines et sociales en exigeant d'un pays de consacrer 25% ou plus de ses recettes fiscales aux services de la dette.
Le rapport de la CNUCED intitulé"Endettement viable:Oasis ou mirage" stipule que l'initiative PPTE n'a pas permis de garantir la viabilité de la dette.

Enfin signalons tout de même que la facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance(FRPC) est une dette (à taux concessionel mais reste un emprunt) que les futures générations vont devoir payer et que le DSRP est un document qui indique comment gérer ou administrer la pauvreté. L'Afrique a plutôt besoin des mesures pour éradiquer la pauvreté et non la gérer. La seule facon de lutter contre la pauvreté est de viser la croissance économique.

5. La situation économique actuelle de la RDC.

La RDC présente actuellement tous les ingrédients d'une économie caractérisée par le sous-emploi des facteurs de production. Dans cette situation , seule une politique budgétaire expansionniste peut faire repartir la machine productive. En engageant par exemple des grands travaux (comme l'a promis le président Kabila) pour relancer la demande globale ou en baissant les impôts de ceux qui gagnent moins c.à.d. la classe moyenne qui depense le plus en vue d'augmenter leur pouvoir d'achat.

Exiger la RDC à réduire le déficit public comme le demande le FMI est suicidaire. Déjá l'activité est en chute libre et appliquer cette politique va déboucher sur une récession, donc une baisse des recettes fiscales et un chômage de masse. Pour un pays qui vient de connaître cinq années de guerre avec une transition chaotique de deux ans, demander une politique budgétaire restrictive est suicidaire. Dans le pire des cas, cela peut mener à un soulevement populaire ou une guerre civile.

6. Alors que faire : la clause d'action collective du FMI

Le débat pour la restructuration de la dette des pays en développement tourne autour de la proposition Krueger qui proposait un tribunal de faillite pour les Etats souverains et sur la clause d'action collective (CAC). La proposition Krueger était orienté sur la mise en place d'un cadre juridique contraignant tandis que la CAC implique la marginalisation du FMI dans le processus de restructuration des dettes. L'idée sous-jacente fait appel aux résolutions des conflits internationaux en faisant appel á des arbitrages à l'amiable. Les propositions CAC ont été cités plusieurs fois dans le rapport du FMI en 2002 et en 2005 et son accessibles sur internet.
Je crois que le nouveau gouvernement issus des urnes ferait un meilleur choix s'il faisait usage de la clause d'action d'action collective . Il ne sert á rien d'engager un bras de fer avec le FMI, cela est contre productif . Les rapports de force sont tel qu'il est suicidaire de jouer un nationalisme de facade avec le FMI.

7. Mesures préalabes avant de lancer les grands travaux.

Il serait naif de croire que lancer les grands travaux suffit à lui seul pour augmenter la production et créer la croissane et l'emploi. Avant de le faire, il convient de mettre en place des mesures pour lutter contre la corruption et les structures de la corruption. Des reformes du système bancaire et financier et des reformes fiscales semblent nécessaires pour lutter contre les structures de la corruption.

Parallèlement à ces reformes, le gouvernement serait mieux inspiré s'il mettait en place des mesures de nature à augmenter les recettes publiques et diminuer les dépenses publiques. Je vais en citer certain en soulignant que la liste est exemplative et non limitative.

8. Réduire les dépenses de l'Etat.


  1. Interdiction de tout recrutement dans la fonction publique , même pour combler les places vacantes.

  2. Abaissement de l'âge de la retraite de trois ans et la mise à la retraite d'office de ceux qui ont atteint l'âge limite.

  3. Réduction de 15% des indemnités des fonctionnaires à la présidence, de tous les ministres, des généraux de l'armée et des PDG des entreprises publiques.

  4. Réduction de 10%des indemnités des députés, sénateurs, gouverneurs et secrétaires généraux.

  5. La suppression de la gratuité de logement des ministres, hauts fonctionnaires, généraux, gouverneurs, députés et sénateurs.

  6. Exiger à tous les fonctionnaires(fonction publique, armée,police,ministéres) d'ouvrir un compte bancaire pour y percevoir leurs indemnités dans un délais de trois mois.

  7. Interdiction de télephoner gratuitement à l'extérieur de la RDC sauf aux ministres ou ceux occupant le rang de ministre et ceci dans le cadre de leur fonction.

  8. Affectation à chaque ministère d'un ou des conseillers inspecteurs chargés exclusivement de faire appliquer ces mesures de redressement.

9.Augmenter les recettes de l'Etat.



  1. Introduire une contribution patriotique obligatoire par prélèvement d'un demi mois de salaire , étalé sur un an de tous les salariés.

  2. Versement obligatoire et symbolique de 100 FC par habitant rural et 200 FC par habitant urbain dans une caisse de solidarité.

  3. Réduire l'impôt sur les revenus aux salariés à faible revenus

  4. Augmentation dans une fourchette de 15 à 45% de la patente pour tous les entrepreneurs sur base de leur chiffre d'affaire.

  5. Elargir l'assiette fiscale de l'Etat et introduction de la déclaration d'impôt en RDC.

  6. Affecter aux services de douane et aux frontières de la RDC des conseiller inspecteus chargés de faire appliquer ces mesures de redressement.

Conclusion


Le nouveau gouvernement agirai dans le bon sens s'il cherchait à trouver une solution au problème d'endettement en privilegiant le dialogue avec le FMI et non un bras de fer , en usant de la clause d'action collective.


Cette même coallition sorti des urnes serait en mesure d'appliquer un plan de relance de l'economie s'il prenait des mesures courageuses d'augmentation des recettes et de diminution des depenses en mettant en place les mesures dont je viens de faire la proposition. Si cela est fait , il est fort á parier que les résultats économiques de ces mesures se feront sentir positivement dans cinq ans et cela garantit à cette coallition de gagner les élections qui auront lieu en 2011.

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