L’industrialisation anglaise du XVIIIe siècle et celle de la Chine post-maoïste : deux chemins, deux mondes. par Guy Kapayo
L’industrialisation anglaise du XVIIIe siècle et celle de la Chine post-maoïste : deux chemins, deux mondes.
**Introduction : Deux révolutions industrielles, deux mondes en mutation**
L’industrialisation est bien plus qu’un processus économique : elle est une transformation totale des sociétés. À la fin du XVIIIe siècle, l’Angleterre inaugure l’ère industrielle dans la douleur, avec des bouleversements sociaux majeurs, documentés notamment par Karl Marx dans *Le Capital*. Deux siècles plus tard, la Chine, pays émergent longtemps rural et centralisé, connaît à son tour un bond industriel fulgurant – mais sans les mêmes soubresauts sociaux.
À l’heure où l’Amérique, par la voix de l’administration Trump lors du **« Liberation Day » du 2 avril 2025**, opte pour un retour à l’isolationnisme industriel, il est pertinent de revenir sur ces deux modèles pour comprendre comment la Chine a pu s’industrialiser à une vitesse sans précédent, sans reproduire les douleurs sociales du passé occidental. Qu’ont fait les Chinois de mieux que les Anglais ? Pourquoi l’Amérique semble-t-elle reculer alors que la Chine s’impose comme la première puissance industrielle mondiale ?
**Chapitre I – L’Angleterre du XVIIIe siècle : naissance douloureuse de l’ère industrielle**
**1. L’industrie textile et le moteur de la révolution**
Le cœur de l’industrialisation anglaise bat dans les manufactures textiles. La mécanisation de la filature (avec la *Spinning Jenny*, le *mule-jenny*) et du tissage (métier à tisser mécanique) provoque une explosion de la productivité, mais également une concentration du travail dans les villes.
**2. Le prix social de l’industrialisation**
Les conséquences sont lourdes :
* **Exode rural massif** : les paysans deviennent ouvriers urbains.
* **Conditions de travail déplorables** : journées de 12 à 16 heures, hygiène inexistante, salaires de subsistance.
* **Travail des enfants et des femmes** : exploités dans les mines et usines, souvent dès 6 ans.
* **Révoltes sociales** : soulèvements luddistes, mouvements chartistes, premières grèves.
* **Inégalités criantes** : croissance rapide des fortunes industrielles mais appauvrissement relatif des masses laborieuses.
Karl Marx, observant cette société à Manchester, parle d’un **prolétariat aliéné**, victime de l’accumulation primitive du capital par la violence et la dépossession.
**Chapitre II – La Chine post-maoïste : l’industrialisation sans révolte ?**
**1. La rupture stratégique de Deng Xiaoping**
À la mort de Mao en 1976, la Chine est exsangue : collectivisation forcée, famine, inefficacité bureaucratique. Deng Xiaoping engage à partir de 1978 une série de **réformes structurelles** :
* **Ouverture à l’économie de marché** sans abandonner le Parti unique.
* **Zones Économiques Spéciales** (ZES) : Shenzhen, Zhuhai… accueillent les IDE étrangers avec infrastructures modernes.
* **Main d’œuvre abondante, disciplinée, peu chère** : un avantage compétitif majeur.
* **Planification stratégique et investissement massif dans l’industrie exportatrice**.
**2. Une croissance sans crise sociale apparente**
Contrairement à l’Angleterre du XIXe siècle :
* **Pas de révoltes ouvrières majeures** : l’État préserve la stabilité sociale à tout prix.
* **Migration rurale encadrée par le système de Hukou( contrôle migratoire stricte entre populations urbaines et rurales)** : pas d’explosion anarchique des villes.
* **Contrôle étatique du syndicalisme** : pas de syndicats libres, pas de luttes sociales visibles.
* **Progrès réels en matière de réduction de la pauvreté** : 800 millions de personnes sorties de l’extrême pauvreté selon la Banque Mondiale.
La Chine a donc transformé son capitalisme d’État en **usine du monde**, dans une relative **harmonie sociale**, au moins en apparence.
Chapitre III- Les facteurs explicatifs de la divergence
**Chapitre IV – Leçons politiques et industrielles**
**1. L’industrialisation n’est pas forcément chaotique**
La Chine a montré qu’une **transition planifiée** peut produire un développement rapide tout en **évitant les crises sociales violentes**, grâce à un fort contrôle politique, à une main-d'œuvre disciplinée, et à une stratégie nationale cohérente.
**2. Le rôle de l’État est central**
Loin de la vision néo-libérale, la Chine a investi massivement dans les infrastructures, protégé ses industries naissantes et stratégiques, contrôlé et orienté les capitaux, imposé des transferts technologiques. Un **capitalisme piloté**, inspiré du modèle japonais, mais dans un pays-continent.
**3. Le modèle occidental remis en cause**
Les États-Unis, en menant une politique d’isolationnisme industriel aujourd’hui, signalent un **recul stratégique**. L’histoire montre pourtant qu’un pays **arrivé à maturité industrielle tend à s’ouvrir au monde** : ce fut le cas du Royaume-Uni au XIXe siècle, des États-Unis au XXe siècle, et de la Chine aujourd’hui.
**Conclusion – Deux modèles, deux leçons de l’histoire**
L’histoire industrielle n’est ni linéaire ni universelle. L’Angleterre a ouvert la voie dans la douleur, la Chine a gravi les échelons dans un calme autoritaire. Ce qui distingue fondamentalement les deux modèles, ce n’est pas la technologie ni même l’exploitation du travail, mais **la gestion politique de la transition économique**.
En 2025, les États-Unis de Donald Trump semblent faire le chemin inverse : du libre-échange à l’isolationnisme, signe d’un doute sur leur capacité à rester au sommet dans un monde globalisé. À l’inverse, la Chine, forte de son industrialisation harmonieuse et de sa résilience, s’impose désormais comme **le nouvel atelier, mais aussi le nouveau cerveau de l’économie mondiale**.
Rédaction par Kapayoalimasi@gmail.com, dans la ville de Mainz en Allemagne ce lundi 04.08.2025
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