L’empire invisible du dollar : économie, guerre et suprématie monétaire" par Guy Kapayo

 



 


L’empire invisible du dollar : économie, guerre et suprématie monétaire" 


**Introduction**


Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le dollar américain s’est progressivement imposé comme la monnaie de réserve mondiale, structurant l’architecture financière internationale. Cette suprématie ne relève pas du hasard, mais résulte d’une stratégie géoéconomique sophistiquée mise en œuvre par les États-Unis, comme l’explique l’économiste Michael Hudson dans son ouvrage majeur *Super Imperialism:The Economic Strategy of American Empire, 1972,2003,2021*. Derrière l’apparente neutralité du système monétaire mondial se cache en réalité une hégémonie construite sur le contrôle des ressources, des institutions financières, et sur l’usage ciblé de la puissance militaire. Cet article propose une lecture analytique de cette domination, en sept chapitres, afin de mieux comprendre pourquoi, malgré la fin de la convertibilité or-dollar en 1971, le dollar demeure au cœur du commerce et de la dette mondiaux.


**Chapitre 1 : Le système de Bretton Woods – une architecture américaine**


Après 1944, les accords de Bretton Woods ont instauré un ordre financier dominé par le dollar, convertible en or à un taux fixe de 35 dollars l’once. Les États-Unis, qui détenaient alors près de 70% des réserves mondiales d’or, imposèrent leur devise comme pivot du système. La livre sterling décline, la France s'incline, et les pays colonisés restent marginalisés. Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale furent conçus pour encadrer les déséquilibres, mais sous une direction stratégique américaine.


**Chapitre 2 : Le financement de la guerre par la planche à billets**


Dans les années 1950 à 1970, les États-Unis financent massivement leurs guerres — en Corée puis au Vietnam — sans recourir à une augmentation d’impôts. Ce financement s’effectue via l’émission de dollars, ce qui conduit à un déficit de leur balance des paiements. L’or quitte progressivement les coffres américains, notamment vers la France et l’Allemagne. Face à la menace d’un effondrement de leur réserve d’or, les États-Unis suspendent unilatéralement la convertibilité or-dollar le **15 août 1971**, par décision du président Richard Nixon. Ce tournant marque la fin du système de Bretton Woods.


**Chapitre 3 : 1971 – Le coup d’État monétaire : fin de la convertibilité or-dollar**


Ce que Michael Hudson appelle un « super-impérialisme » commence ici. Les États-Unis imposent au monde une monnaie fiduciaire sans contrepartie en or, mais adossée à leur puissance économique et militaire(plus de 70 bases militaires à travers le globe). Contrairement à ce que beaucoup prévoyaient, le dollar ne s’effondre pas. Bien au contraire, il s’impose durablement comme instrument de règlement global, notamment à travers des accords secrets entre Washington et les monarchies pétrolières du Golfe.


**Chapitre 4 : Le pétrodollar et l’alliance stratégique avec les monarchies du Golfe**


En échange de leur sécurité militaire, l’Arabie saoudite et les États du Golfe acceptent de facturer leur pétrole exclusivement en dollars. Ces revenus pétroliers sont ensuite recyclés dans les bons du Trésor américain. Ce mécanisme — le pétrodollar — crée une **demande structurelle et permanente** pour la devise américaine. Il garantit aussi aux États-Unis la possibilité de financer leurs déficits sans effondrement de leur monnaie.


**Chapitre 5 : Le contrôle des institutions financières mondiales**


Les États-Unis contrôlent les institutions multilatérales créées après 1945 :


* Le **FMI**, qui impose des programmes d’austérité aux pays endettés, tout en les maintenant dans une dépendance au dollar.

* La **Banque mondiale**, qui finance des projets structurants selon une logique néolibérale.

* Le **système SWIFT**, qui leur permet de surveiller, bloquer ou sanctionner les flux financiers en dollars.

* La **Banque des règlements internationaux (BRI)**, dont les règles comptables sont alignées sur les normes américaines.


**Chapitre 6 : L'extraterritorialité du droit américain et la militarisation du dollar**


Le dollar n’est pas seulement un outil économique, c’est aussi un **instrument de coercition géopolitique**. Grâce au principe d’extraterritorialité, toute entreprise ou banque utilisant le dollar peut être poursuivie en justice par les autorités américaines, même si elle ne se trouve pas sur le sol américain. Cette capacité d’intimidation a frappé des banques françaises, suisses ou allemandes. Cela alimente aujourd’hui une défiance croissante, notamment de la part des pays du **BRICS**, qui cherchent à se libérer de cette dépendance par la création de monnaies alternatives (comme le yuan numérique ou des plateformes dédollarisées de paiement).


**Chapitre 7 : L’absence d’alternative crédible – mais pour combien de temps ?**


Jusqu’à récemment, aucun autre État ou groupe d’États n’avait pu proposer une alternative crédible au dollar. Ni l’euro, fragmenté politiquement, ni le yuan, contrôlé par un État autoritaire, ne remplissent les conditions de confiance mondiale. Toutefois, l’apparition de blocs multipolaires, la montée des **monnaies numériques souveraines** et l’utilisation accrue des échanges bilatéraux hors dollar annoncent peut-être une transition lente mais certaine vers un monde plus dédollarisé.


**Conclusion : Le roi dollar est-il immortel ?**


La domination du dollar repose moins sur sa force économique que sur un savant mélange d’institutions, d’alliances stratégiques et de dissuasion militaire. Mais cet édifice, longtemps stable, commence à être contesté. Si le dollar reste aujourd’hui la principale monnaie de réserve, c’est autant par inertie que par absence de choix. L’avenir dépendra de la capacité du monde émergent à construire un système monétaire plus équilibré, où les règles du jeu ne seraient plus écrites unilatéralement à Washington.





Conception et écriture. Kapayoalimasi@gmail.com, ce mercredi 25.06.2025, Mainz en Allemagne.







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