300 ans pour l’Occident, 40 ans pour la Chine : les secrets d’une ascension accélérée par Guy Kapayo

 




300 ans pour l’Occident, 40 ans pour la Chine : les secrets d’une ascension accélérée .

Introduction

Lorsque l’Angleterre lance sa Révolution industrielle au XVIIIᵉ siècle, elle entame un cycle de transformations économiques et technologiques qui, en trois siècles, donnera naissance à l’Occident moderne : États-Unis, Europe, Australie, Nouvelle-Zélande. Ce chemin fut long, chaotique et parfois sanglant — guerres mondiales, crises économiques, reconstructions successives.
La Chine, elle, a suivi une trajectoire radicalement différente. Après la mort de Mao Tsé Toung en 1976, et l’arrivée au pouvoir de Deng Xiaoping, elle a compressé en à peine quatre décennies ce que l’Occident avait accompli en trois siècles. De « l’atelier du monde » produisant à bas coût, elle est devenue le « cerveau du monde » : championne des technologies de rupture, leader dans la 5G, les véhicules électriques, et en avance sur les États-Unis dans plus de 37 domaines stratégiques.
Comment expliquer une telle accélération ? La réponse se trouve dans une combinaison d’héritage historique, de culture pragmatique et de stratégie économique minutieusement orchestrée.


1. La Chine avant la Révolution industrielle occidentale

Pendant des siècles, la Chine a dominé le monde en termes de richesse et d’innovation. Sous les dynasties Tang et Song, elle invente la boussole, le papier, l’imprimerie et la poudre à canon. Au XVe siècle, l’amiral Zheng He mène de vastes expéditions maritimes, témoignant d’une puissance navale et technique supérieure à celle de l’Europe.
Pourtant, à partir du XVIᵉ siècle, le pays se replie sur lui-même. Les élites impériales craignent les influences étrangères et préfèrent maintenir un système confucéen stable, centré sur l’agriculture et l’examen impérial. Ce choix, combiné à une absence d’incitation à l’innovation industrielle, laissera la voie libre à l’Europe pour s’engager dans la révolution technique.


2. La Chine face à la Révolution industrielle



Au XIXᵉ siècle, l’Occident, propulsé par la vapeur, l’électricité et la chimie, étend sa domination. La Chine subit au contraire un siècle d’humiliations :

  • Guerres de l’Opium (1839-1842, 1856-1860) qui ouvrent ses ports de force.

  • Traités inégaux et concessions aux puissances étrangères.

  • Faiblesse industrielle persistante, malgré des tentatives sporadiques de modernisation.
    Ce retard structurel enferme la Chine dans une position semi-coloniale jusqu’au milieu du XXᵉ siècle




3. De Mao à Deng Xiaoping : le tournant



La victoire communiste de 1949 met fin à la fragmentation politique, mais l’industrialisation maoïste reste inefficace.

  • Grand Bond en avant (1958-1961) : production sidérurgique improvisée, famines massives.

  • Révolution culturelle (1966-1976) : élimination des intellectuels, paralysie scientifique et économique.

En 1978, Deng Xiaoping rompt avec cette approche. Son mot d’ordre : « Peu importe qu’un chat soit noir ou blanc, pourvu qu’il attrape des souris ». Il ouvre le pays aux investissements étrangers, crée les Zones Économiques Spéciales (Shenzhen, Zhuhai, Xiamen, etc.), autorise l’initiative privée et mise sur l’apprentissage accéléré via les multinationales.


4. L’ère de la mondialisation heureuse (2001-2012)

L’entrée à l’OMC en 2001 marque un tournant :

  • Les entreprises étrangères délocalisent massivement leur production en Chine pour profiter de coûts bas.

  • Pékin impose des joint-ventures obligeant au transfert de technologie.

  • Le pays forme chaque année des millions d’ingénieurs.

Résultat : en dix ans, la Chine ne se contente plus de fabriquer, elle commence à concevoir. La montée en gamme est amorcée, du textile basique aux composants électroniques sophistiqués.


5. La Chine de Xi Jinping : du “Made in China” au “Created in China”

Depuis 2012, Xi Jinping engage une stratégie de puissance technologique :

  • Investissements massifs en R&D (plus de 2,5 % du PIB, en hausse constante).

  • Leadership dans la 5G et 6G : Huawei et ZTE dominent l’infrastructure mondiale.

  • Véhicules électriques : BYD, Nio et Geely dépassent les constructeurs allemands en autonomie, prix et innovations logicielles.

  • Technologies stratégiques : selon l’Australian Strategic Policy Institute, la Chine est leader dans 37 à 41 innovations clés (IA, batteries, énergies renouvelables, génétique, quantique).

Exemple frappant : la limousine électrique Huawei Luxeed Maestro S8000, équipée d’IA embarquée, vendue à un prix inférieur à une berline allemande milieu de gamme.


Conclusion

En quarante ans, la Chine a condensé trois siècles d’industrialisation occidentale grâce à :

  1. Un héritage culturel favorisant l’apprentissage rapide et la planification à long terme.

  2. Une ouverture contrôlée à la mondialisation, exploitant les multinationales pour absorber technologie et savoir-faire.

  3. Un État stratège capable de mobiliser le capital humain et financier vers des secteurs ciblés.

L’Occident, qui a bâti sa puissance dans un contexte de domination coloniale et de cycles d’innovation plus lents, se retrouve désormais face à un concurrent capable de sauter des étapes entières.
La question n’est plus de savoir si la Chine rattrapera l’Occident : c’est déjà fait dans plusieurs domaines. La vraie interrogation est de savoir si l’Occident saura réinventer son propre modèle avant que l’écart ne devienne irréversible.



Conception et écriture : Kapayoalimasi@gmail.com , Allemagne, Dienstag den 12.08.2025


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